Un préfabriqué triste et gris, coincé dans une petite cour du palais de justice de Paris. A l’abri des regards, loin du grand escalier d’honneur où Jérôme Kerviel, nerveux, l’ex trader de la Société Générale actuellement rejugé, fume cigarette sur cigarette. C’est là qu’hier en début d’après-midi Kader Azzimani et Brahim El Jabri ont peut-être franchi une étape clé sur le chemin de leur innocence.
Des éléments nouveaux
Pendant près d’une heure, les deux hommes ont été entendus avec leurs avocats par la commission de révision des condamnations pénales. Elle dira, le 2 juillet, s’il existe bien dans ce dossier un «élément nouveau» pouvant convaincre la justice qu’elle s’est trompée, en condamnant en juin 2004 ces deux Lunellois à vingt ans de réclusion criminelle, pour un meurtre qu’ils ont toujours nié.
La cause paraît : en mars 2011, grâce à des traces d’ADN retrouvées 14 ans après les faits, les gendarmes de Montpellier ont arrêté deux nouveaux suspects. Michel Boulma, 34 ans, et Bouziane Hélaili, 35 ans, ont avoué être les seuls et uniques auteurs du meurtre d’Abdelazziz Jilhal, un trafiquant de haschich tué de 108 coups de couteau le 21 décembre 1997 à Lunel. Des aveux bien tardifs: Azzimani et El Jabri, entre-temps, ont passé 12 et 13 ans derrière les barreaux. A leur place, et pour rien.
Drame judiciaire
"Hélas, nous sommes obligés de constater qu’il y a des éléments nouveaux dans cette procédure" a déclaré l’avocate générale Martine Valdes-Boulouque lors de cette audience à huis-clos, selon les avocats montpelliérains des deux condamnés. "Il y avait beaucoup d’émotion, les magistrats avaient conscience du drame judiciaire qui s’est joué à Montpellier" estime Me Luc Abratkiewicz. "C’est magnifique d’être là aujourd’hui, quand on a vécu toute la souffrance de ce dossier depuis quinze ans" souffle Me Jean-Marc Darrigade.
"Ils ont bien vu qu’on était émus, que pour nous ce n’était pas un jour comme les autres" assure Brahim El Jabri. "J’aimerai que la justice fasse un cadeau à ma mère pendant qu’elle est encore vivante, celui de mon innocence."
Cour de révision
La commission devrait saisir la cour de révision, seule compétente pour annuler ou réviser une condamnation devenue définitive. Parmi les scenari possibles : un prononcé immédiat de leur ’innocence, ou plus probablement un nouveau procès, pouvant déboucher sur un acquittement. La perspective reste lointaine : il faudra sans doute attendre que les deux vrais criminels soit entre-temps condamnés.
"Dans la tête, cette affaire, ça ne finira jamais" soupire Kader Azzimani. "Ni pour moi, ni pour nos familles"
http://www.midilibre.fr/2012/06/18/les-condamnes-de-lunel-en-route-vers-l-innocence,519351.php
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