M. le Président, la défense sollicite cinq minutes de suspension supplémentaire. C’est très important." Il est 18 h 55, la salle de la cour d’assises de l’Hérault se fige. Quand Jacques Prévosto entre dans le box peu après, chacun retient son souffle. Sur ces bancs pleins à craquer se serrent d’un côté la famille de Marie, de l’autre celle de l’accusé. Derrière, de plus en plus nombreux au fil des heures, des policiers de Montpellier. Aux aguets.
Plusieurs fois déjà, l’audience a été chavirée. Le matin, Lydie, la maîtresse de Prévosto, a raconté cette liaison d’un an, entre flics de la brigade de nuit. "Avec lui, j’avais une oreille, quelqu’un pour m’écouter. Ce qui me manquait chez moi, je suis allé le chercher ailleurs" dit-elle d’une voix sèche, face aux regards lourds de reproche. "On est dans une sorte de bovarisme policier" note le président Cayrol.
Au commissariat, leur relation sème la zizanie. "Les collègues voulaient absolument savoir, chaque soir, à son arrivée au service, ils lui demandaient : “Est-ce que tu te la tapes ? ”" poursuit Lydie. Et au fil des mois, Marie Prévosto se doute de l’infidélité de son mari.
- «Vous êtes peut-être au cœur de cette affaire ?", s’interroge le président.
- "J’espère que ce n’est pas à cause de moi que ça s’est passé", répond Lydie, aujourd’hui brigadier à Béziers. Pas une fois, le regard des anciens amants ne se croisent. Prévosto fixe le sol, blême, emmuré.
"Tu n’as même pas le courage de me regarder quand je te parles !" vient plus tard crier Élisabeth, la sœur jumelle de Marie, qui a recueilli les deux enfants. "Tu l’as brûlée ! Et après, tu dis à tes enfants que tu n’as rien fait ? Depuis trois ans, ma mère va tous les jours sur la tombe de Marie. Elle lui parle, elle se couche dessus..." La salle soupire, sanglote, renifle. "Assassin ! Tu mérites pas de vivre" cingle le père de Marie qui quitte la salle, à bout de nerfs.
Juste avant, on a entendu le psychiatre qui a examiné les enfants, dire ses inquiétudes. L’avocate générale se lève : "Ils sont persuadés que c’est à cause d’eux que leur mère s’est donnée la mort. Je crois qu’ils pourront vous pardonner. Une dernière fois, je vous exhorte à dire la vérité". L’accusé se lève : "J’aime mes enfants et jamais je ne leur aurais fait ça".
"Je suis coupable..."
Jacques Prévosto,
Et puis, une heure plus tard, ce coup de théâtre. Prévosto, la voix cassée, qui fixe la famille de Marie. "Je viens de m’entretenir avec mes avocats. J’ai entendu Élisabeth (et) les larmes... Pour moi, les choses sont très difficiles. Pour la mémoire de Marie. Pour le pardon de mes enfants... C’est ce qui me permettait de lutter... Comme de toute façon, vous le savez... Je suis coupable. Je suis coupable. Je n’en dirai pas plus. C’est au dessus de mes forces." Il se rassied, la tête dans les mains, ne bouge plus.
La salle est en larmes. Les parents et la sœur de Marie. Les parents et la sœur de Jacques. Les amis, les flics. "Il a fait un effort surhumain" lâche Me Darrigade. "Sa conscience a été ébranlée par le traumatisme des enfants. Il s’est libéré de ses démons" enchaîne Me Abratkiewicz. "C’est une libération absolue pour mes clients. Il est enfin sorti de l’enfer du déni" souffle Me Gérard Christol, après "ce grand moment de cour d’assises". "Il a reconnu" ajoute Me Iris Christol, "mais il reste ce geste, qui est effroyable, à juger." Juger ? C’est aujourd’hui, au dernier acte d’un procès transformé.
http://www.midilibre.fr/2012/06/28/coup-de-theatre-jacques-prevosto-avoue,525015.php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire