Les jeunes braqueurs de la poste de Mohon ont écopé d'un an de prison ferme. Dur retour à la réalité pour les deux lycéens qui se sont inspirés d'un reportage télé pour monter leur coup.
UN braquage à main armée constitue un crime. L'affaire aurait donc pu être jugée devant la Cour d'assises. Mais au regard de l'âge des prévenus, de leur profil et de l'absence d'antécédents judiciaires, le parquet avait choisi de correctionnaliser le dossier.
Du fait d'une demande de délai pour préparer leur défense, les trois jeunes (17, 18 ans et 18 ans et demi) étaient placés sous contrôle judiciaire depuis le 6 février dernier. Le mineur, K., a été entendu par le juge des enfants. Une enquête sociale a été ouverte pour étudier la situation et l'environnement dans lequel évoluait ce jeune homme, ainsi que les raisons qui ont pu le pousser à prendre part au braquage.
Les deux autres jeunes se sont retrouvés devant la présidente de la chambre correctionnelle. « Vous risquez une peine maximum de 10 ans de prison. Auteur comme complice », prévenait Jennifer Picoury.
Rappel des faits. Ce samedi 4 février, il est 9 heures du matin, Julien (le « cerveau » de l'affaire) et K. (mineur de 17 ans) entrent, cagoulés et armés, dans le bureau de poste de Mohon. Après s'être emparés de la caisse, sous la menace de leurs revolvers, ils exigent l'ouverture du coffre. Terrorisée, la guichetière se couche par terre.
L'un des deux salariés déclenche l'alarme. Les jeunes s'enfuient avec un butin de 3 800 € en billets. Ils tentent d'ouvrir le véhicule d'un complice dans lequel ils devaient planquer le butin. Mais la voiture est verrouillée (lire par ailleurs). Dans la rue, des passants assistent à la scène, perplexes. Le sac de sport rempli de billets dans une main, le revolver dans l'autre, les deux jeunes s'enfuient à pied. Ils seront interpellés chez leurs parents, le lendemain matin, tout comme le chauffeur.
« On n'est pas dans un film »
Retour au tribunal.
- « Comment vous est venue cette idée du braquage ? » interroge la présidente du tribunal.
- « J'étais à découvert et je ne voulais pas que mes parents l'apprennent. La veille, on avait vu une émission sur des braquages. Ça semblait simple, alors on s'est dit pourquoi pas nous ».
- « Vous avez vu un reportage sur des braqueurs, mais vous les avez vus finir au tribunal aussi ? » remarque la présidente. Moment de silence…
D'un bout à l'autre de l'audience, le parquet se posera la question : comment deux jeunes, plutôt bons élèves, ayant grandi dans des familles ne connaissant pas de réelles difficultés financières, ont-ils pu braquer une banque ?
La manière dont le trio a organisé l'opération a sidéré le parquet.
- « Au départ, on avait pensé se faire la bijouterie. Mais c'était plus dur d'écouler la marchandise », explique un des jeunes. « Il fallait aussi qu'on trouve un taxi », ajoute-t-il.
- « Vous vous êtes crus à la télé ? » lance Jennifer Picoury. « Vous vous rendez compte qu'aujourd'hui, on n'est pas dans un film ? On a l'impression que vous avez vécu votre braquage comme un roman, alors que des gens ont eu peur de mourir ! »
La veille des faits, Julien s'occupe de trouver des cagoules. K., lui, se procure deux pistolets, un à billes, un autre à air comprimé. Il contacte un ami, Medhi, qui vient d'avoir le permis. Contre 15 à 20 % du butin, K. lui propose de jouer le taxi. « Il devait laisser la voiture ouverte pour qu'on y mette l'argent. On devait la récupérer plus tard » (lire ci-dessous).
Prison ferme pour le « cerveau » et le « taxi »
Le ministère public a requis quatre ans, dont deux ans avec sursis pour Julien. Pour Medhi (le « Taxi »), considéré comme complice par la substitut, trois ans assortis d'un sursis de deux ans ont été requis. À cela s'ajoute, pour les deux prévenus, l'obligation de poursuivre les cours, mais aussi d'indemniser les deux employés pour le préjudice subi, ainsi qu'une interdiction de porter une arme.
« Avons-nous à faire à des caïds en puissance ou des enfants coupés de la réalité ? » a interrogé la défense. Profil psychologique, antécédents judiciaires, comportement au lycée, contexte familial… L'analyse de chacun de ces points a confirmé en tout cas qu'il ne s'agissait pas d'une « délinquance d'habitude ».
Après une heure de délibéré, les magistrats ont considéré Julien et Medhi coupables des faits reprochés. « L'argent, ça fait toujours envie », a terminé Mme Picoury, « et encore plus, si c'est facile. Mais ça se mérite. La vie, ce n'est pas claquer des doigts pour obtenir ce que l'on veut ». La présidente Picoury a condamné les deux jeunes à la même peine : les deux purgeront donc 20 mois de prison, assortis de huit mois avec sursis, et mise à l'épreuve durant deux ans. Les deux « braqueurs en herbe » devront respecter des obligations de formation, d'indemnisations des parties civiles et de non-port d'arme. Fin du film. Et dur retour à la réalité
http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/un-an-de-prison-ferme-pour-les-lyceens-braqueurs
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