Une redoutable bactérie est suspectée d'avoir infecté une douzaine de patients de la polyclinique Courlancy, entre décembre 2010 et le printemps 2011. Certains de ces malades ayant subi des endoscopies sont même décédés. Le parquet de Reims s'est saisi de l'inquiétant rapport établi par l'Agence régionale de santé Champagne-Ardenne avant de le transmettre au pôle de santé publique du parquet de Paris. Une enquête préliminaire a été ouverte pour recherche des causes de la mort.
«PSEUDOMONAS AERUGINOSA ». Ce nom barbare ne vous dit sans doute rien. Cette bactérie - communément appelée bacille pyocyanique - pullule pourtant de manière inoffensive sur et autour de nous. L'affaire se corse en milieu hospitalier où sa présence est à haut risque au point de pouvoir faire passer les patients de vie à trépas. Ce germe figure d'ailleurs au Top 3 des bactéries tueuses responsables des infections nosocomiales qui empoisonnent les établissements hospitaliers. Derrière les tristement célèbres E. coli et autre staphylocoque doré qui ont défrayé la chronique il y a peu.
L'alerte de la clinique
On comprend que les hôpitaux et les cliniques mettent en place une batterie de garde-fous pour traquer l'intrus au sein de leurs installations. « Pseudomonas aeruginosa » se niche par exemple au cœur des endoscopes. Ce qui s'avère problématique puisque l'instrument en question permet d'explorer les cavités lors d'opérations chirurgicales ou plus simplement de les observer. C'est au cours d'une série d'intervention de ce type que des incidents se sont produits à la polyclinique Courlancy à partir de décembre 2010. Du reste, la direction du groupe, par la voix de son PDG Jean-Louis Desphieux, tire discrètement la sonnette d'alarme par voie de presse en juin dernier.
Il est fait état de trois cas litigieux. Trois patients ont contracté une infection bactérienne résistante aux antibiotiques. « Pseudomonas » est clairement montré du doigt et « le coupable » désigné. La bactérie aurait été transmise via un endoscope et plus précisément un duodénoscope destiné à mener des opérations gastro-intestinales. « Malgré la négativité des prélèvements, l'appareil mis en cause a été désinfecté selon des procédures renforcées », indique alors Jean-Louis Desphieux.
"Danger grave et persistant"
Il est également annoncé que des procédures de désinfection renforcées ont été mises en œuvre sur l'ensemble du parc d'endoscope de Courlancy. « Comment est venue cette bactérie reste un mystère mais les recherches continuent pour en déterminer les causes exactes », assure encore le PDG du sixième groupe privé français. La communication par média interposé vise surtout à rassurer les quelque vingt-quatre patients à qui la clinique fait alors parvenir un questionnaire par lettre recommandée.
La réponse de l'Agence régionale de santé (ARS) Champagne-Ardenne ne se fait pas attendre. Le 24 juin, elle décrète ni plus ni moins « la suspension immédiate de l'acte de Cholangio-Pancréatographie Rétrograde Endoscopique (CPRE) sur le site de la polyclinique de Courlancy ».
Un office central saisi de l'enquête
Et ce, « jusqu'à identification formelle de la ou les sources de l'infection ». Pendant plusieurs semaines, l'activité est de ce fait transférée sur une autre entité du groupe, la clinique Saint-André. En retour, la direction de la polyclinique met en place un protocole de désinfection draconien et tente de justifier le bon fonctionnement de ses installations en matière de désinfection dans le courant du mois d'août.
Seulement voilà, l'ARS constate que l'établissement n'est pas en mesure de fournir des rapports complets, définitifs et détaillés concernant les laveurs d'endoscopes et leur armoire de stockage ventilée. « Il est impossible de garantir la maîtrise des risques infectieux liés à cet acte endoscopique malgré les mesures prises par l'établissement », estime-t-elle. Le 9 septembre, l'agence de santé en conclut que « la réalisation d'un acte de CPRE sur le site de la polyclinique de Courlancy expose les patients à un danger grave, persistant et sérieux ». Et elle ordonne la suspension de l'acte pour deux mois.
La sévérité de l'ARS s'explique d'autant plus que ses inspecteurs dressent un tableau bien plus noir que celui annoncé en juin par Jean-Louis Desphieux faisant état de trois cas d'infection. Leurs investigations mettent en lumière pas moins de douze cas litigieux dont plusieurs morts suspectes qui pourraient être imputables à la bactérie tueuse. L'inquiétant rapport a d'ailleurs été saisi par le parquet de Reims.
Délicat parce que très technique, le dossier a été transmis au pôle santé publique du parquet de Paris. Le 18 octobre dernier, celui-ci a ouvert une enquête préliminaire pour « recherche des causes de la mort », confiée à l'Office Central de Lutte contre les Atteintes à l'Environnement et à la Santé Publique (OCLAESP).
Magistrats et enquêteurs spécialisés se doivent maintenant de vérifier l'origine de la contamination au cas par cas. Si la bactérie a affecté ou même tué des patients, il faut savoir si la contamination est liée à l'endoscopie. Il faut en outre déterminer si le protocole de désinfection et de contrôle du matériel a été suivi à la lettre. En cas de négligences préjudiciables à la santé des patients, il faudra alors établir le degré de responsabilité de la direction de la polyclinique et/ou de tel ou tel praticien ou responsable de service.http://www.lunion.presse.fr/article/marne/morts-suspectes-autour-dune-bacterie-tueuse-a-courlancy
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