vendredi 27 janvier 2012

Suicide en Haute-Saône : son frère porte plainte pour harcèlement

En rendant hommage, dans la lettre d’information datée de décembre 2011 de l’Association nationale des cadres communaux de l’action sociale, à Yves Camper, directeur du Centre intercommunal d’action sociale du Pays de Luxeuil, qui s’était donné la mort le mercredi 23 novembre précédent à son domicile, s’affirmant « harcelé » par certains des élus locaux qui l’employaient, le président de cet organisme, Denis Guihomat, a trouvé des mots justes… mais aussi prudents. Après avoir rappelé qu’Yves Camper était « épuisé par des conditions de travail dont il se plaignait depuis longtemps », celui-ci a indiqué « ne pas savoir ce qui relève du vécu et du ressenti » dans les accusations portées par son défunt collègue et laisser « s’il y a lieu » le soin à « l’enquête » de l’établir.

« Mon boulot me ronge »

Car, avant de mettre fin à ses jours en absorbant des médicaments, Yves Camper, 59 ans, a beaucoup écrit. À ses deux frères, François et Philippe, d’abord, auxquels il a expliqué : « Mon boulot me ronge complètement la vie ». Au président du CIAS du Pays de Luxeuil, Olivier Kalis, ensuite. Ce courrier à l’élu, sa famille l’a trouvé plus tard dans ses affaires privées, avec instruction de l’expédier « post-mortem » à son destinataire, ainsi qu’à plusieurs autres personnalités haut-saônoises. Yves Camper y revendiquait son « état dépressif majeur » et d’autres soucis de santé, notamment cardiaques, confirmés par des certificats médicaux. Il y narrait également, par le détail, de nombreuses brimades et la « mise au placard » dont il se considérait victime, sur fond de réorganisation des services sociaux luxoviens.
L’un des maires membre de la Communauté de communes du Pays de Luxeuil, qui en avait reçu copie, a jugé, à la lecture de ce texte, de son devoir de le communiquer à la gendarmerie, sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale qui enjoint à tout responsable public qui a connaissance d’un fait délictuel d’en informer l’autorité judiciaire. Les militaires ne pouvant s’en saisir en l’état, François Camper, retraité, a porté plainte le 14 janvier 2012, par courrier recommandé, avec constitution de partie civile, près du procureur de la République de Vesoul. Motif : le « harcèlement moral » dont son frère aurait été l’objet « sur son lieu de travail » et qui, selon lui, « l’avait conduit au suicide ». Comme la procédure l’impose en pareil cas, la plainte est nominative et vise Olivier Kalis, président du CIAS, Frédéric Burghard, premier adjoint au maire de Luxeuil, et Manuela Fernandes, directrice générale des services de l’intercommunalité.

« Prisme déformant »

La requête soutient que les pressions présumées faites sur Yves Camper découleraient de sa gestion de l’ancien CCAS de Luxeuil (fusionné depuis dans le CIAS), mise en cause lors des élections municipales de 2008, par la liste d’opposition d’alors. Le député-maire UMP de la ville, Michel Raison, qui n’est pas visé par cette procédure, défend bec et ongles ses collègues. « C’est vrai que nous avons dénoncé cette mauvaise gestion, et nous continuerons jusqu’au bout à le faire, mais en raison des choix effectués par les élus municipaux précédents », insiste-t-il. « Cela n’a jamais visé Yves Camper qui, à son poste administratif, n’y pouvait rien, le pauvre… »
Olivier Kalis et Frédéric Burghard se disent « peinés » par ce drame personnel et entendent réserver leurs réponses plus précises au procureur de la République. « Je réfute totalement le fond de ce courrier et je vais m’employer à le démonter point par point », ajoute toutefois Olivier Kalis. Yves Camper, pense-t-il, aurait pu mal interpréter les faits « à cause du prisme déformant de sa maladie ». Au procureur, désormais, de décider des suites à donner.
http://www.estrepublicain.fr/actualite/2012/01/27/harcele-jusqu-au-suicide

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