Halil Kiraz, 33 ans, a perdu un œil après le tir d’un policier en avril 2009 à Compiègne. Son avocat estime que la légitime défense ne tient pas. Il veut une reconstitution.
Mi-février, ce sera sa treizième intervention chirurgicale au niveau de l’œil droit. Sous son pansement qu’il porte en permanence, l’œil est mutilé. Les paupières fermées. La chirurgie ne pourra jamais lui ramener la vue.
Elle se cantonne désormais aux aspects esthétiques, à faire en sorte que la prothèse tienne, que les paupières fonctionnent.
Halil Kiraz, 33 ans, est « à bout ». Un divorce, ses trois enfants en bas âges qui ont peur de l’approcher lui et son pansement, et une carrière dans le bâtiment qui a été brisée.
Depuis ce fameux 17 avril 2009, son combat médical, qui l’oblige à une visite chaque semaine à Amiens, n’est pas fini. Et sur le plan judiciaire, la situation n’avance pas plus.
L’instruction de la plainte déposée à l’encontre du policier auteur du tir pour « violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente » est toujours en cours d’instruction, depuis juillet 2009. Mais son avocat, Me Jérôme Crépin, a des craintes. Il veut que l’enquête accélère, et qu’elle soit beaucoup plus complète par rapport à son état actuel.
L’enjeu pour Halil Kiraz : que la bavure policière soit reconnue, et non la légitime défense, comme l’avait sous-entendu le procureur de la République en classant sans suite la première plainte.
Ce 17 avril 2009 en soirée, une violente dispute éclate entre Halil Kiraz et sa femme, rue Pierre-Loti, dans le quartier du Clos-des-Roses à Compiègne. Hors de lui, l’homme se munit d’une barre de fer .
Il saccage alors la voiture Opel qu’il a achetée mais qui est au nom de sa femme. La police est alertée, et une patrouille de la brigade anticriminalité arrive sur place. Deux versions s’opposent alors.
« Le policier a tiré d’une distance de 4 à 4,5 m »
Celle de Halil Kiraz et de son avocat : en aucun cas il n’y a eu de menaces envers les policiers. « J’ai vu arriver la Ford Mondéo, j’avais la barre de fer à la main. Je savais que c’était la BAC et que j’allais être embarqué. Les deux policiers sont descendus. Il n’y a pas eu de discussion. J’ai entendu « tir flash-ball, j’ai tourné la tête, et là je me suis écroulé ».
Les policiers disent de leur côté avoir demandé à Kiraz de lâcher la barre de fer, et que le tir a été effectué alors qu’il s’avançait vers eux, menaçant.
L’inspection générale de la police nationale a enquêté sur cette affaire. Son rapport avait conclu que « l’utilisation du flash-ball paraissait justifiée eu égard au contexte de l’intervention ». Sur cette base, le procureur avait classé la première plainte au motif que l’infraction n’était pas suffisamment caractérisée.
La nouvelle plainte qui a suivi a provoqué l’ouverture d’une information judiciaire. Un juge d’instruction a désormais le dossier entre les mains. Il a confié l’enquête... à la même inspection générale de la police nationale.
Me Jérôme Crépin ne veut pas se contenter d’une nouvelle enquête se résumant à l’audition d’un témoin et du versement au dossier de la circulaire de la police nationale sur les conditions d’utilisation du flash-ball. Il souhaite notamment une expertise médico-légale de Halil Kiraz, une reconstitution des faits, et une expertise balistique.
« L’usage de cette arme a été effectué de façon disproportionnée. Le policier a tiré d’une distance de 4 à 4,5 m. Il a indiqué ne pas avoir visé, avoir tendu le bras parallèlement au sol au moment du tir. Il s’agit donc d’un tir tendu. (...) Il n’a pas pris la précaution de tirer vers le bas pour éviter de toucher des organes vitaux », dénonce Me Jérôme Crépin.
Selon des témoins qui ont été entendus dans l’affaire, les policiers ont paniqué après le tir, comprenant la gravité des faits. Ils ont immédiatement déclaré : « C’était de la légitime défense ».
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-regionale/Mutile-par-un-tir-de-flashball
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