Il est sorti… Il était tout bleu… Je l’ai tapoté… Il n’a pas respiré… » La tension est à son comble, ce jeudi, dans la salle de la cour d’assises de Nancy. On pourrait entendre voler une mouche. Karine Hatterer raconte son premier accouchement clandestin. Son premier infanticide.
Cette femme de 44 ans, tout mince, toute frêle, peine à trouver ses mots et ressemble à une brindille sur le point de s’envoler. Elle tangue puis est obligée de s’asseoir. Elle dégage une impression de tristesse infinie. Avec son ensemble veste pantalon sombre, comme si elle était en deuil. Avec son visage pâle et anguleux perdu dans une masse de cheveux noirs.
Cramponnée à un mouchoir en papier, elle poursuit cependant son récit terrifiant. Nous sommes en juin 2000. Son compagnon est en déplacement. Elle est seule dans leur maison de Foug (54). Elle est prise de contractions et accouche sur une couverture dans le garage. « Je n’avais aucune conscience d’être enceinte sinon cela ne se serait pas passé comme cela », confie Karine Hatterer. Elle a pourtant avoué aux gendarmes qu’elle savait depuis deux mois qu’elle attendait un enfant et qu’elle l’a caché.
Face aux jurés, elle brandit la thèse du déni de grossesse. Elle affirme aussi que le bébé, une petite fille, est mort à la naissance. « Qu’auriez-vous fait si l’enfant avait été en bonne santé ? », questionne Me Costantino, avocat de l’association Enfance et Partage. « J’aurais appelé les pompiers », répond l’accusé. « Vraiment ? Il n’était pourtant pas voulu », titille Me Costantino. « Voulu ou pas, jamais je n’aurais tué un de mes bébés », réplique aussitôt Karine Hatterer.
Les meurtres d’une « maman poule »
C’est pourtant bel et bien pour des meurtres qu’elle est jugée. Elle aurait tué ses trois nouveau-nés. L’un a été retrouvé dans un congélateur en 2007. Les cadavres en décomposition des deux autres ont été découverts en 2009 dans un panier à linge et dans une valise à l’intérieur de sa nouvelle maison d’Ecrouves.
Pourquoi avoir conservé les corps ? « Cela paraît aberrant, je sais, mais il fallait que je les garde près de moi », murmure l’accusée. « Pourquoi ? Quel était votre état d’esprit ? Comment vous expliquez votre comportement », interroge la présidente Hologne. En guise de réponse, un silence assourdissant. L’accusée est en panne de mot. Ce qu’elle a fait est d’autant plus incompréhensible que « tout le monde dit que c’est une bonne mère », souligne l’enquêteur de personnalité. Karine Hatterer est, en effet, la « maman poule » de cinq enfants, dont deux sont nés après la révélation de l’affaire et son court passage en prison début 2010.
Si elle aime ses enfants, la relation avec son ex-compagnon et père de quatre d’entre eux n’a, en revanche, rien d’une love story. « On nous a décrit une femme soumise à un homme qui la rabaissait », indique une gendarme. A la barre, l’ancien concubin parle, lui, de problèmes de communication dans tous les domaines avec « une femme complètement refermée ». Il n’aurait jamais remarqué ses grossesses non désirées. « Pour moi, elle prenait la pilule ».
Petit détail troublant toutefois : il a découvert le corps dans le panier à linge… trois jours après avoir vu un reportage sur l’affaire Courjault, médiatique dossier d’infanticide. « Un hasard ».
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