Malgré ses 81 ans et un état de santé très altéré, la victime n'était pas mourante. René Menu l'a tuée parce que c'est son existence, à lui, qui était devenue impossible. Il voulait mourir. Mais estimait préférable que sa mère disparaisse aussi. Il ne fallait pas qu'elle soit une charge pour sa petite sœur. Il a bien tenté de se suicider après, sans y arriver.
Une vie sans amour
La journée de lundi visait essentiellement à cerner la personnalité de l'accusé, mais s'est largement étendue sur celle de la victime. La juge a lu la déposition du petit frère : « Maman n'était pas affectueuse, elle était égoïste. Lorsqu'elle avait trop bu, elle s'endormait sur la table. Je ne lui connais aucune qualité. » Il n'est pas venu pour ses obsèques. La sœur aînée non plus : « Ma mère était une femme méchante, tenant des propos méchants. » Avec René, ils ne se sont plus vus depuis le décès de leur père, en 1996, à cause de leur mère. « Il est assez rare qu'on me dise : “J'ai eu une enfance ni heureuse, ni malheureuse, mais sans amour” », témoigne l'enquêteur de personnalité."Maman n'était pas affectueuse, elle était égoïste"René Menu a grandi dans la honte. Honte de l'alcoolisme de sa mère. Honte de dire devant les copains qu'il ne partait jamais en vacances. Honte de porter les vêtements des cousins. Une idée fixe va naître chez lui à son entrée dans la vie adulte : celle de ne jamais avoir d'enfant. Pour honorer sa promesse, il s'interdit toute relation affective : « Ça m'a beaucoup isolé », reconnaît-il.
Contrairement à ses deux sœurs et son frère, il n'a jamais cherché à quitter le foyer parental. Et lorsque le père est mort, il a pensé qu'il lui incombait de s'occuper de sa mère. Parce qu'il n'avait pas d'enfant et pas de boulot. Il avait perdu, peu avant, son poste dans une imprimerie suite à la liquidation de l'entreprise. Au nom du devoir filial, il a fait le choix d'emprunter un chemin de croix.
« Au bord du gouffre »
René et Germaine Menu ont vécu leur vie côte-à-côte, sans jamais rien partager : « Ce n'était pas une personne de conversation. » Ils se sont installés à Vergt, en 2009, pour se rapprocher du seul membre de la famille avec qui ils restaient en contact.Au fil des années, sa mère était toujours plus diminuée et dépendante. Il dormait à la fin cinq heures par nuit pour se dégager du temps libre. Il en avait assez du jambon-purée au dîner (« je ne pouvais pas changer, sinon elle ne mangeait pas »), assez du lit maternel trempé d'urine tous les matins, assez d'être confronté à la nudité de sa génitrice.
"Il en avait assez du jambon-purée au dîner"Il s'est enferré dans la certitude que personne ne pouvait ou ne devait partager son sacerdoce. Il faut croire que cette évidence s'est progressivement installée chez les autres, à commencer par sa mère et sa petite sœur. Cette dernière s'en veut de n'avoir rien vu et lui en veut de ne lui avoir jamais confié sa détresse : « Il aurait pu me secouer, me dire que ça ne va pas. Je me confiais à lui, moi. Pourquoi ne m'a-t-il pas dit qu'il était à bout ? » La seule fois où il lui a explicitement dit, c'est dans la lettre d'adieu qu'il lui a laissée, et que les enquêteurs ont trouvé sur une table. Depuis son incarcération, elle n'est jamais allée le voir. L'aînée et le benjamin non plus.
Avant la suspension d'audience, son avocate, Me Stéphanie Bourdeix, lui a demandé s'il aimait celle qu'il a tuée. Il a marqué un long silence : « Oui… C'était ma mère. »
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