Un pharmacien des Chartrons a écopé de dix-huit mois de prison avec sursis pour avoir vendu à un client des milliers de boîtes d’un dérivé morphinique grâce à des ordonnances falsifiées.
Pour ce malade, le pharmacien bordelais avait sans doute plus les traits d'un dealer que d'un professionnel de santé. Il faut dire qu'Alain Vivier, propriétaire de la pharmacie des Étourneaux (elle a été vendue depuis), située cours Balguerie-Stuttenberg dans le quartier des Chartrons, ne lui disait jamais non.
En moins de deux ans, entre 2008 et 2010, il lui avait vendu près de 6 000 boîtes d'Actiq, un dérivé de la morphine avec effet flash et classé comme stupéfiant. Des doses sans rapport avec la posologie habituelle pour ce médicament et qui ne correspondaient en rien à des prescriptions effectuées par un médecin.
À terme, une telle abondance pouvait difficilement échapper aux radars de l'Assurance-maladie, sachant qu'en moyenne une pharmacie vend chaque année seulement deux ou trois boîtes de ce médicament. La CPAM a néanmoins remboursé rubis sur l'ongle près de 225 000 euros d'Actiq provenant de l'officine bordelaise avant que la procédure d'alerte ne se déclenche et qu'une plainte pour « escroquerie » ne soit déposée.
Elle s'est soldée la semaine dernière par une condamnation du pharmacien à dix-huit mois de prison, assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve de trois ans et d'une interdiction d'exercer une profession en lien avec la pharmacologie ou la médecine pendant cinq ans. Le client (qui ne s'est pas présenté à l'audience) a, quant à lui, été condamné à huit mois de prison avec sursis.
Atteint d'une grave pathologie, ce malade était devenu toxicomane, fortement dépendant à ces comprimés qu'il semblait consommer comme des bonbons.
« Vous en avez fait un client privilégié », lance au pharmacien la présidente Caroline Baret. Au sein de son officine, personne ne voulait plus accéder aux demandes de ce client dont les ordonnances étaient, la plupart du temps, grossièrement falsifiées quand elles ne se limitaient pas à de simples photocopies. Sauf Alain Vivier, qui, lui, répondait toujours favorablement, modifiant au besoin lui-même les ordonnances afin de leur faire passer le filtre de l'Assurance-maladie. Face aux policiers de la PJ, Alain Vivier reconnaîtra que, sur dix ordonnances présentées par ce patient, seulement deux étaient probablement authentiques.
Pour sa défense, le pharmacien a assuré avoir agi par « compassion » pour ce malade auquel il s'était « attaché ». Une justification des libertés prises avec les prescriptions des médecins qui pèsera peu face au portrait au vitriol dressé par ses employées, qui l'ont décrit aux enquêteurs comme « peu scrupuleux » et « attiré par l'argent ».
Fallait-il voir, dans les marges généreuses qu'il réalisait sur l'Actiq, la raison pour laquelle il n'a tenu aucun compte de l'appel au secours des parents du malade, qui le suppliaient d'arrêter de vendre de la morphine à leur fils ? La procureur Anne-Cécile Dumonteil le soutient, relevant qu'il avait même continué à envoyer des boîtes de médicaments par la poste à son client lorsque celui-ci était parti s'installer à Lyon.
« Il a eu du mal avec ses employées, car il ne pouvait pas les payer, elles ont eu du ressentiment. Vivier n'a pas fait fortune », assure son avocat, soulignant que son client n'avait, au final, tiré « aucun profit » de cette affaire et était désormais « à terre ».
Précisons que l'affaire avait déjà valu au pharmacien une sanction quasi historique de la part du Conseil de l'ordre, qui avait prononcé en 2012 une radiation de dix ans, confirmée en appel. Désormais, les deux hommes devront également rembourser la CPAM solidairement.
http://www.sudouest.fr/2015/02/09/drogue-sur-fausses-ordonnances-1824865-4585.php
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