Jetée par un gendarme le 7 octobre dans une caravane à Sivens, une grenade a explosé dans la main droite d'Elsa, 25 ans. Le rapport de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale a reconnu mardi «la faute professionnelle».
Une longue cicatrice zèbre le dos de la main droite d'Elsa. C'est un des stigmates que garde la jeune femme de 25 ans de cet après-midi du mardi 7 octobre 2014. La main de cette militante écologiste a explosé sur une grenade lancée dans sa caravane, lors d'une tentative d'expulsion des zadistes occupant le site du projet de barrage de Sivens (Tarn). Deux mois après, cette autre victime d'un jet de grenade revient sur ce qui s'est passé ce jour-là.
Sin dans le cas de la grenade explosive qui a tué le jeune Rémi Fraisse, le rapport de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) n'a relevé «aucun manquement» à l'encontre du gendarme, il n'en va pas de même envers le militaire qui a blessé Elsa. L'IGGN est ici sans ambiguïté : «L'utilisation d'une grenade DMP (de désencerclement, NDLR) n'est pas justifiée quand elle est lancée contre des manifestants ou les occupants de la caravane qui ne menacent pas directement le gendarme. Le sous-officier a commis une faute d'appréciation qui doit être sanctionnée au plan professionnel.»
Sanction qui ne préjuge en rien des suites judiciaires. Par l'intermédiaire de son avocate, Me Claire Dujardin, Elsa a porté plainte à Toulouse avec constitution de partie civile pour «violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité commise par un agent de l'État». Repartie dans sa région natale à Marseille, l'ex-Albigeoise est de retour depuis hier pour le week-end. «L'enquête n'a pas commencé. J'attends d'être auditionnée par le juge d'instruction» explique Elsa qui reviendra ce samedi à Sivens, avant de témoigner devant la commission sur les violences policières, mise en place par la Ligue des droits de l'homme de Toulouse.
L'intervention de l'IGGN la concernant a constitué «une surprise» pour Elsa : «L'IGGN s'est saisie de son propre chef, sans même m'avoir entendue. Qu'une faute professionnelle venant des forces de l'ordre soit reconnue, c'est rare. C'est mon oncle, qui l'ayant entendu à la radio, m'a informée de la bonne nouvelle. Je suis contente. Cela m'a rassurée. Le gendarme n'avait pas à faire ça.»
De quoi réconforter Elsa, dont les blessures sont physiques, mais aussi psychologiques. «J'en ai gardé une peur. Ils auront au moins réussi ça. Au plan médical, ma main a dégonflé, mais j'ai gardé des douleurs récurrentes, toujours différentes. Je ne peux pas serrer le poing. J'ai perdu la force. Je fais de la rééducation, mais on ignore les capacités de récupération. J'ai eu de la chance. D'autres dans des circonstances analogues ont perdu la main. J'ai été opérée très vite et très bien, par le Dr Pascal Cariven, au service d'orthopédie de l'hôpital d'Albi, avant d'être transférée à Toulouse, avec passage dans un caisson hyperbare, pour éviter la nécrose.»
Et «les premiers temps surtout», Elsa revivait sans cesse la scène. «Il était 15 h 30, quand le gendarme a jeté la grenade dans la caravane, à un mètre de moi. J'ai voulu l'attraper pour la sortir, car nous étions quatre dans la caravane. Même si je croyais à tort qu'elle était seulement lacrymogène, je me disais d'instinct que la grenade présentait un danger dans cet espace confiné. Dans ces moments-là, tu ne réfléchis pas. La grenade a explosé quand j'ai mis la main dessus. Il y a eu le bruit, formidable, 170 décibels, le faisceau lumineux, la main gonflée de sang. Et de suite une douleur étrange, comme si j'avais un garrot au poignet.»
http://www.ladepeche.fr/article/2014/12/06/2006153-elsa-victime-jet-grenade-gendarme-avait-faire-ca.html
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