mardi 16 décembre 2014

Assises des P.-O. : "C'est sans les autres que je suis heureuse

Nathalie Derycke, 33 ans, et Dany Defosse, 68 ans, sont jugés depuis hier pour une tentative de meurtre commise en 2012 à Perpignan. Ils sont fille et père de cœur au hasard de la vie.
Depuis hier, dans le box, tout les oppose. Nathalie Derycke, jolie femme de 33 ans à la longue chevelure blonde. Et Dany Defosse, 68 ans, cheveux poivre et sel attachés en catogan et barbe inspirée d'un tableau de Velasquez fripé par le temps. Pourtant leur enfance résonne des mêmes fêlures et du même vide. Flottant entre deux solitudes sans jamais pouvoir amarrer leur existence. Leur unique point d'ancrage : l'un pour l'autre.
Il la considère comme sa fille depuis que sa mère a été sa maîtresse il y a 30 ou 40 ans. Elle le reconnaît comme un père de cœur. Une famille de substitution pour deux êtres qui ont, un jour, délaissé leurs propres enfants, sans jamais chercher à les revoir. Préférant qu'ils continuent à rêver des parents qu'ils pourraient être plutôt que de leur infliger la triste réalité. Dany Defosse a laissé partir sa progéniture avec ses ex-compagnes pour le Canada, croit-il. A 15 ans, Nathalie Derycke a eu une fille qu'elle a subitement quittée sans jamais fournir d'explication. Lorsque, des années plus tard, son enfant a sonné à sa porte à Perpignan, elle a "cru à une mauvaise blague". Même scénario pour son fils, issu d'une relation "en dents de scie". Il n'avait que 4 ans, quand elle s'est volatilisée. Il vit aujourd'hui chez un oncle, personne ne sait où.
  • "Née sous une étoile de poisse"
"J'ai pris cette décision. Je sais que vous ne comprenez pas mais je ne voulais pas interférer dans la vie de mon fils jusqu'à ce qu'il l'ait décidé. Avant la prison, j'étais une femme libre, tranquille, j'essayais d'être heureuse. Et c'est sans les autres que je suis heureuse. Je suis restée dans mon coin parce que ça finit toujours mal. Je suis née sous une étoile de poisse. Victime, oui, je l'ai été quelquefois", raconte Nathalie Derycke, le verbe facile. Les intonations trahissant la révolte. "Spéciale", disent les uns. "Le sang chaud, avec du répondant" et "issue d'une famille un peu bizarre".
Elle n'a jamais connu son père, d'origine écossaise. Sa mère "schizophrène", "gentille, fragile mais forte", a été internée en psychiatrie.
Elle a donc été placée très tôt en pouponnière puis confiée à une famille d'accueil. Au sein de laquelle elle affirme avoir été victime d'abus sexuels de la part du père et d'un des fils. Les procédures seront classées sans suite. "Intelligente" mais "peu motivée par l'école", elle arrête en 6e et s'en va de chez ses grands-parents qui l'ont recueillie. Tout comme l'a été Dany Defosse. "Mon père était pasteur, journaliste, écrivain et politicien ou plutôt adjoint d'un homme politique. Il est mort en 1963. Assassiné. Il a organisé le passage clandestin des Harkis à Marseille. Nous avons été enlevés par le FLN. Ma mère et moi avons été relâchés. Deux jours plus tard, mon père a été retrouvé mort d'un coup de fusil. J'avais 16 ans. Je m'y attendais un petit peu. J'étais habitué à le voir se faire casser la figure. Ma mère voulait que je devienne comme elle, agriculteur ou éleveur d'animaux. Mon père me voyait plutôt militaire".
  • "Contre-culture"
Mais, Dany Defosse "anticonformiste" vibre plutôt pour le cinéma, arrête l'école à 14 ans, commence à travailler à 15 dans une filature, reprend des études, obtient des certificats de grec, latin "pour trouver une nouvelle syntaxe de cinéma". Et touche à tout pour "financer des courts métrages". Pigiste, mécanicien-ajusteur, figurant pour la télévision, cuisinier dans une adresse réputée, vendeur sur les marchés, auteur... "J'ai commencé à écrire très jeune, de la poésie. Et j'ai écrit de tout. Des articles littéraires ou pour des revues d'astrologie". Découvrant "le monde de la contre-culture" à Paris. "Opium. LSD. Héroïne. La drogue, oui. Sans jamais être dépendant. L'alcool ? J'aime boire et faire la fête". Avant de s'installer à Perpignan en 1973. Bouquiniste, il ferme sa dernière librairie en 1998 contraint par une maladie chronique pulmonaire et intestinale qui lui vaut des hospitalisations régulières depuis ses 22 ans. En 2002, il créé un site internet de vente de livres pour compléter son allocation adulte handicapé. Accidenté de la vie, d'abord, comme Nathalie...
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