samedi 4 octobre 2014

BAZANCOURT (51). Procès d’une chute mortelleà la sucrerie Cristal Union

Il y a quatre ans jour pour jour, le 4 octobre 2010 à 3 heures du matin, le corps sans vie de Jordan Balloir, 24 ans, saisonnier depuis 4 mois à la sucrerie Cristal Union à Bazancourt, était retrouvé à l’aplomb du silo nº4, dans un local de stockage dont le toit présentait une large déchirure. La chute de plus de 60 mètres remontait au 2 octobre en fin d’après-midi… presque deux jours auparavant.
Très vite, les enquêteurs allaient découvrir que la victime, sous l’emprise de l’alcool (2,06 g/litre) et de la cocaïne, était elle-même montée en haut du silo. Après avoir badgé à 12 h 57 le 2 octobre, Jordan Balloir n’avait plus été revu de ses collègues. Il leur avait dit avoir fait la fête la veille, être fatigué. Il voulait « se planquer » pour se reposer. Il avait en fait pris l’ascenseur, était monté sur le toit par une porte métallique surélevée nécessitant l’utilisation d’une chaise, avait enjambé une barrière métallique… et avait chuté. Ses parents, son médecin ont toujours assuré qu’il n’avait aucune tendance suicidaire. Ils n’avaient également pas connaissance du fait qu’il consommait de la cocaïne depuis une année.
Suicide ou accident ? On ne le saura jamais. Si Jordan Balloir « a commis une faute en se rendant sur le toit sous l’emprise de l’alcool et des stupéfiants », comme l’a souligné Romain Ducrocq, substitut du procureur, la question qui se pose aujourd’hui est celle de la responsabilité de l’employeur, censé assurer la sécurité de ses salariés. C’est la raison pour laquelle, la SCA Cristal Union, en tant que personne morale, a été renvoyée hier matin devant le tribunal correctionnel de Reims pour répondre d’homicide involontaire dans le cadre du travail. La question étant de savoir à qui il fallait imputer ce drame.
Deux manquements sont en effet reprochés à l’employeur. Le fait de n’avoir pas évalué les risques liés à l’isolement du salarié. Sur ce point, il a été rétorqué qu’il ne s’agissait pas d’un poste isolé puisque trois personnes travaillent sur le silo nº4. Ce jour-là, Jordan Balloir n’avait d’ailleurs pas pris le téléphone portable qu’il était censé avoir constamment sur lui. Il était également reproché de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour interdire l’accès au toit du silo. Au cours de l’enquête, on apprendra que des salariés avaient l’habitude de monter sur le toit pour fumer un joint à l’abri des regards indiscrets. Un an après le drame, la porte d’accès a finalement été cadenassée.
Ainsi pour le ministère public, « s’il est évident que la victime a commis une faute, la personne morale (NDLR : l’entreprise) est responsable de ce qu’il s’est passé en bas. Il n’aurait pas dû pouvoir monter là-haut, alors qu’il était seul ». Et de requérir 30 000 euros d’amende. Me Neret, avocat de Cristal Union, a quant à lui demandé la relaxe pure et simple au motif que Jordan Balloir, « en quittant son poste sans autorisation pour aller se planquer, s’est soustrait à l’autorité de son employeur ». L’affaire a été mise en délibéré au 5 décembre.

http://www.lunion.presse.fr/region/bazancourt-51-proces-d-une-chute-mortellea-la-ia18b0n417865

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