mercredi 21 mai 2014

La jambe happée par un motoculteur non conforme : la société Kiloutou en justice

Renvoyée en correctionnelle pour blessures involontaires après un accident du travail impliquant l'un de ses motoculteurs et dans lequel un agent d'entretien toulousain a perdu une jambe, la société Kiloutou encourt 30 000 euros d'amende.
Un survêtement noir recouvre sa prothèse. Aux côtés de sa compagne et de ses deux enfants, sa canne toujours à portée de main, Jacques Broussal écoute le président du tribunal évoquer le jour où sa vie a basculé. Ce 7 octobre 2010, cet agent d'entretien employé par l'association BTP CFA Midi-Pyrénées, manœuvre le motoculteur de la marque Agria-Werke que le centre de formation a loué au magasin Kiloutou de Portet-sur-Garonne. Pour éviter d'être coincé entre la clôture qui borde le terrain et la machine, alors en marche arrière, Jacques Broussal enclenche la marche avant mais les commandes ne répondent pas. Le motoculteur continue de reculer et sa jambe droite finit par être happée par les fraises en rotation. Les blessures sont telles qu'une première amputation ne peut être évitée, suivie d'une seconde à la suite d'une infection. Après deux mois d'hospitalisation et deux mois de rééducation, Jacques Broussal tente de retrouver une vie normale, une jambe en moins. Il ne réintégrera son poste, à mi-temps, qu'en juin 2013.

Deux non-conformités

Après cet accident du travail aux conséquences dramatiques, l'enquête diligentée par l'Inspection du travail et l'expertise judiciaire ont conclu une non-conformité de conception de la machine. Et ont mis en évidence deux défauts qui pourraient être la cause de l'accident : l'absence de l'axe de liaison entre le levier de commandes et la boîte de vitesse et la longueur disproportionnée de la vis de réglage du câble d'embrayage qui aurait empêché le système d'arrêt d'urgence de se mettre en marche.
Renvoyée en qualité de personne morale devant le tribunal correctionnel pour blessures involontaires et location d'équipement non-conforme aux règles techniques ou de certification, la société Kiloutou a assuré mardi lors de son procès avoir remis à Jacques Broussal «un engin vérifié et conforme». «Nous n'arrivons pas à comprendre comment cet accident a pu se produire autrement que par l'intervention d'un tiers sur la machine», explique Me Frank Beckelynck. L'avocat du numéro un de la location de matériel remet en cause les rapports d'expertise et a demandé un supplément d'information pour «entendre les explications du fabricant et du distributeur».

«Cette machine était une arme»

De son côté, Me Pascal Nakache, conseil de la victime et de sa famille, a dénoncé «le rideau de fumée» mis en place par le loueur pour «éviter que la justice ne se penche sur le fond du dossier» et sur sa responsabilité quant au réglage et à la maintenance d'une machine qui est devenue «une arme».
«Depuis plus de 42 mois, le corps et la vie de mon client sont coupés en deux. Après la douleur physique de l'accident, la douleur d'une double amputation, la douleur du membre fantôme et la douleur morale, Jacques Brossal et sa compagne ont dû engager des frais lourds en payant de leur poche la prothèse ou encore l'aménagement du véhicule», a souligné l'avocat en demandant pour ses clients 750.000 euros de provision.
Estimant aussi que, «la responsabilité de la société Kiloutou est entière» et que «la patate chaude ne peut pas fonctionner en matière pénale», le parquet a requis 30.000 euros d'amende au titre des blessures involontaires et 3.000 euros pour la location d'équipement non-forme. Il a en revanche demandé l'abandon des poursuites contre le centre de formation. La décision du tribunal a été mise en délibéré au 16 septembre.

http://www.ladepeche.fr/article/2014/05/21/1885119-motoculteur-non-conforme-la-societe-kiloutou-en-justice.html

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