Mohamed Mohammedi, le portier victime de ce coup de feu, jure avoir tout fait pour éviter que la situation dégénère. Et on le croit volontiers, au vu de la dignité de ses propos devant le tribunal d'Aix, de l'apaisement qu'il inspire notamment en ayant accepté que le sort de son agresseur - qui aurait pu être son meurtrier - ne soit pas confié à un jury d'Assises.
Si le jeune homme, qui dit avec retenue "être passé par de dures épreuves depuis" , a pris cette décision, c'est qu'il sait le tireur, Nader Labadi, 25 ans, malade. Et comme toute personne "malade de la tête" comme dit la famille du prévenu, et qui stoppe son traitement, Nader, ce soir du 9 avril 2012, n'a pas su, pas pu, résister à son désir de vengeance.
"Je voulais des excuses de Kamel" lâche-t-il à la juge Imbert. Deux jours plus tôt, Nader s'était senti humilié - "et un peu molesté aussi" ironise son avocat, Me Alain Baduel - en étant gentiment ramené vers la sortie du bar de salsa le Cuba Libre, boulevard Carnot à Aix, au motif qu'on ne sort pas en survêtement.
"Pourquoi l'avait-on autorisé à entrer, alors ?" serait-on tenté de demander. Reste que deux soirs plus tard, Mohamed prenait son service à 23 heures en ignorant tout de cet accrochage.
"A l'hôpital, on m'a dit que j'avais frôlé la mort"
C'est une messe basse d'un barman qui allait l'alerter. "Mon collègue m'a dit deux mots sur l'embrouille et il m'a dit que le gars en question était dans le bar et qu'il avait demandé des renseignements sur mon collègue portier avec lequel il avait eu des problèmes, détaille la victime au tribunal, du coup, je suis gentiment allé le voir, je l'ai salué et directement il m'a agressé en me demandant si j'avais un souci. Je lui ai répondu que non. Mais lui m'a rétorqué qu'il avait un problème, et que c'était moi. Après tout est allé très vite, je n'ai pas continué la conversation mais il m'a suivi vers l'entrée, m'a tiré par le t-shirt, on s'est poussé l'un l'autre et soudainement j'ai entendu un coup de feu..."
L'adrénaline faisant tout son effet, Mohamed ne se rendra compte que quelques instants plus tard que sa nuque est tuméfiée, après plusieurs coups de crosse, et que son épaule gauche est trouée par une balle qui s'avérera être de calibre 22 long rifle...
"À l'hôpital, on m'a dit que j'avais frôlé la mort" lâche-t-il, sans haine encore. Nader promet : "Mon but n'était pas de me servir de cette arme, je voulais juste faire peur au portier qui m'avait viré".
Le procureur Pozzo percute : "Mais quand on veut juste impressionner, on ne remplit pas son arme de munitions. On ne peut pas laisser ce garçon à la merci d'un arrêt de son traitement qui pourrait entraîner un ou des meurtres". Et de requérir trois ans de prison ferme.
"C'est le dossier de la schizophrénie. Il ne comprend pas qu'il est coupable"
Me Keita, en partie civile, de rajouter : "On nous dit qu'il est malade, certes, mais cette idée elle a quand même mûri durant 48 heures dans sa tête et tout a été pensé".
Les experts psychiatres qui ont rencontré Nader parlent de "délires paranoïdes", de "troubles schizophrènes" et tirent la même conclusion : "Il est prioritaire de stabiliser ces troubles car il est pour l'heure dangereux, pour lui et les autres".
L'avocat de la défense, Me Baduel, enfonce le clou : "C'est LE dossier de la schizophrénie, il subit une distorsion dans son rapport avec les autres et dans sa perception de la réalité. Il ne comprend pas qu'il est coupable et peu importe le résultat de cette audience, ou presque, l'essentiel est qu'il comprenne qu'il ne doit plus jamais arrêter son traitement".
Nader Labadi a été condamné à trois ans de prison dont une année assortie du sursis avec mise à l'épreuve et l'obligation de se soigner.
http://www.laprovence.com/article/actualites/2364459/aix-deux-ans-de-prison-pour-une-tentative-de-meurtre.html
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