dimanche 30 décembre 2012

Détenu mort en prison à Pau : la famille attaque l'Etat

L'administration pénitentiaire aurait-elle pu éviter le décès de Fabrice Latapie, un jeune homme de 21 ans retrouvé mort dans sa cellule de la maison d'arrêt de Pau, le 5 août 2008, victime d'une overdose de Subutex ? Laetitia Da Silva et Chantal Favre, sa sœur et sa mère, en sont « convaincues ». La justice, pour l'instant, ne partage pas cette analyse et a conclu à un suicide. En juillet 2011, elle classait sans suite leur première plainte, estimant qu'aucun manquement à la sécurité du détenu n'avait été commis. Mais les deux femmes et leur avocate, Me Denise Pombielh, n'en démordent pas et ont déposé l'été dernier une nouvelle plainte avec constitution de partie civile devant les doyens des juges d'instruction pour « homicide involontaire, non-assistance à personne en péril et mise en danger délibérée de la vie d'autrui ». Une procédure pour laquelle le parquet a récemment requis un « non-lieu à informer » et qui est actuellement entre les mains de la juge paloise Lucile Pichenot. La magistrate doit se prononcer sur les suites qu'elle compte y donner.
Défaut de surveillance ?

À cette plainte, la famille de Fabrice Latapie ajoutera dans les prochains jours une requête en responsabilité de l'État devant le tribunal administratif pour « faute par manquement à l'obligation de surveillance et faute dans l'organisation et le fonctionnement du service » de l'administration pénitentiaire. « La direction de la prison de l'époque connaissait la fragilité psychologique de Fabrice Latapie et le risque qu'il se suicide. Mais n'a rien fait pour empêcher le drame », accuse Me Pombielh.
Fabrice Latapie purgeait un an de prison, correspondant à l'addition de plusieurs condamnations pour des délits. Il était libérable en octobre 2008. « Je l'ai vu quelques jours avant sa mort. Il allait bien, parlait de projets de bébé avec sa compagne qui l'attendait dehors. Il avait envie de vivre », assure sa sœur Laetitia. Mais le 4 août, la veille de son décès, le jeune homme, qui est à l'isolement depuis quelque temps pour le protéger de détenus qui ont très mal pris sa collaboration avec la justice pour démanteler un trafic au sein de la prison, apprend qu'il va être transféré à Tarbes. À l'endroit même où se trouvent deux personnes qui lui veulent la peau. Des retrouvailles qui le terrorisent.
La direction alertée
« Si je suis transféré, je me fous en l'air », confie-t-il en pleurs, dans l'après-midi, à un gardien de la maison d'arrêt de Pau, dont « Sud Ouest » a consulté la déposition devant les enquêteurs chargés des premières investigations. Le surveillant déclare avoir aussitôt alerté une supérieure. Qui explique à son tour aux policiers avoir immédiatement averti le directeur de la maison d'arrêt en poste à l'époque et un référent à la direction interrégionale de l'administration pénitentiaire, à Bordeaux, des intentions suicidaires du jeune homme. Lors de son audition, que nous avons lue, la surveillante raconte avoir reçu pour ordre de rassurer Fabrice Latapie, que le transfert a été maintenu par sa hiérarchie et que décision a été prise de laisser le garçon en cellule individuelle.
Il sera retrouvé mort le lendemain matin, à 8 h 30. L'autopsie, qui n'a pas fixé l'heure du décès, conclut à une overdose de Subutex.
« Comment pouvait-il avoir une dose de médicaments suffisante pour se tuer ? La cellule a-t-elle été fouillée ? Et pourquoi le transfert n'a-t-il pas été annulé face au risque connu de passage à l'acte ? Cette affaire est truffée de zones d'ombre qui doivent être enfin éclaircies par la justice. Pour nous, une série de fautes ont été commises », pense Me Denise Pombielh.
Sollicitée, la direction interrégionale de l'administration pénitentiaire n'a pas souhaité s'exprimer sur cette affaire, au motif qu'une procédure judiciaire est en cours. Quelque temps après ce drame, le directeur de la maison d'arrêt de Pau était remplacé par la directrice actuellement en poste. Laquelle diffusait au personnel de la prison des consignes strictes sur la prévention des suicides de détenus, peu après son arrivée.

http://www.sudouest.fr/2012/12/29/detenu-mort-en-prison-la-famille-attaque-l-etat-921035-4344.php

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