CELA fait deux ans qu'Amar bout à petits bouillons. Une colère pleine, sincère et décousue, exclusivement dirigée contre un expert automobile, nommé, en 2009, par la cour d'appel de Reims pour régler un contentieux.
Les conclusions du rapport d'expertise n'ont pas été favorables à Amar.
Par courriers et appels téléphoniques, celui-ci s'est alors mis à hurler sa révolte à une cadence effrénée - « Il a failli saturer le standard téléphonique de l'expert ! », rappellera la substitut du procureur. Et voilà ce Nouzonnais de 54 ans, sans aucun antécédent judiciaire, accusé d'outrages et d'appel malveillants pour avoir prononcé, des dizaines de fois et sur tous les tons, ces mots : « Etre sans foi ni loi», « escroc », « expert véreux et corrompu ». Certaines lettres démarraient en ces termes : « Monsieur la crapule...»
A la barre, Amar, venu avec une pile de documents, trépigne : « Je ne dis que la vérité ! » Vite, le président s'énerve : « Ce n'est pas le procès de l'expert, c'est le vôtre. Quand bien même il se serait trompé, vous n'avez pas le droit de lui envoyer des messages injurieux ». Le tribunal correctionnel refuse formellement d'entendre le prévenu sur les raisons de sa colère. Lui veut évoquer le fond de l'affaire quand le tribunal correctionnel ne se focalise que sur la forme. De ce problème de focale naît un parfait dialogue de sourds.
Kamikaze dans son entêtement, Amar rejette toute idée de « harcèlement » et « si vous me le permettez, Monsieur le président », annonce vouloir « dérouler le fil du mensonge ». Furieux, le juge roule des gros yeux : « Je regrette que vous n'ayez pas les capacités intellectuelles pour comprendre ce que je vous dis ».
« Illuminé »
L'avocat de l'expert - absent de l'audience, « et c'est vraiment dommage ! », persifle Amar - évoque ensuite le caractère « irréel » des faits. Amar, « dont on se demande si ce n'est pas un illuminé », se fait sèchement discréditer : « Cet individu est dicté par une volonté de nuire, il vous dit qu'il est détenteur de la vérité (...) Il ne cherche qu'à pourrir la vie d'un expert judiciaire (...) qui n'est pas n'importe qui ! » par des « torrents de boue ». Surjouant l'indignation, il s'appesantit sur ces mots : «"Monsieur la crapule''... Franchement, c'est du jamais vu !» Précisons aux âmes sensiblesqu'en termes d'outrages, les murs de la salle d'audience entendent bien pire chaque semaine.
Dans un registre plus sobre, la substitut du procureur fustige à son tour ce Amar « qui n'admet pas la contradiction » et dont les termes « désagréables et méprisants» fleurissent dans ce «dossier peu banal (...) et dans lequel les faits sont revendiqués ! ».
Elle tonne : « Il y a des voies légales pour critiquer les expertises civiles» . Et «alors que je pensais au début requérir une amende », demande contre Amar trois mois avec sursis et 105 heures de travail d'intérêt général.
L'avocate de la défense tente enfin de rappeler que « si on juge mon client, il faut quand même essayer de comprendre ce qui l'a amené ici ». Certifie qu'il « n'a pas fait ça pour faire du mal, mais parce que pour lui, c'est la seule solution pour que son dossier soit ,de nouveau, examiné. Ce n'est pas son raisonnement le plus malin, je vous l'accorde...»
Une argumentation de bon sens qui ne parvient cependant pas à faire oublier l'absence d'auto-critique chez le prévenu. A l'issue du délibéré, le président condamne Amar à quatre mois de prison avec sursis, obligation de chercher un travail,ainsi qu'un euro symbolique à verser à un expert qu'il n'aura plus, évidemment, le droit d'appeler du matin au soir.
http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/amar-plutot-agite-a-la-barre
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