Le seuil d'une belle maison. Un corps étendu sous un linge blanc. 9 h 30, hier matin, devant la cour d'assises. Les premières images tournées par les gendarmes à leur arrivée sur la scène de crime sont projetées au mur de la salle d'audience. Jugé pour l'assassinat de Sébastien Courtioux et de Wilfried Sagot, Éric Balsac regarde la vidéo comme les autres. C'était à La Chapelle, au petit matin du 8 janvier 2009.
Il y a l'image, mais pas le son. La caméra du gendarme balaye la salle à manger. Des taches de sang sur le carrelage. Une poussette contre le mur, une grande table au milieu. Des bouteilles vides, des flûtes de champagne, des paquets de cigarettes. La télé est allumée, branchée sur le menu d'un jeu vidéo qui tourne en boucle.
Images choc
Le drap glisse sur le corps de Sébastien Courtioux, torse nu. Gros plan sur ses blessures, dont une à la poitrine. Des doigts craquent dans les rangs des parties civiles. La caméra s'avance dans la maison. Derrière le comptoir de la cuisine, un autre drap blanc que le gendarme retire d'une main. Le corps désarticulé de Wilfried Sagot. Les familles des victimes tiennent le choc. Une jeune femme s'esquive en pleurs. Dix minutes d'un film qui sonnent le glas d'une nuit de fête dont la cour s'est attelée à remonter le fil, hier, au deuxième jour du procès d'Éric Balsac et de Christelle, sa petite amie d'alors, poursuivie pour avoir fait une tournée de linge avec les vêtements tachés de sang.
Heureux père de Melyn, sa deuxième fille, Sébastien Courtioux, tailleur de pierres, avait invité ses amis à célébrer l'événement, lui qui rentrait tout juste de sa première visite à la maternité. Appelés à témoigner tour à tour, ils sont quadras ou presque, la plupart artisans, la tête sur les épaules, en tout cas entiers devant la cour et prompts à rendre hommage aux défunts, deux gars « généreux », « grands cœurs », « gros bosseurs », entre autres louanges.
« Il bougonne, bougonne »
Ce devait être un moment entre copains. Au menu, cognac-schweppes, champagne et gâteaux apéritif. « Une soirée dédiée à sa petite fille. Éric Balsac est venu à une soirée où il n'était pas invité et où il n'avait rien à faire », gronde Raphael Morin, l'un des convives. L'accusé y a pourtant été « reçu bras ouverts », rajoute-t-il.
Éric Balsac et Christelle ne faisaient qu'accompagner « Jean-Mi », l'un des deux ouvriers de Sébastien Courtioux, venu récupérer « un pot de tabac à rouler » à l'atelier. « Sébastien m'a fait de grands gestes pour aller boire un coup », raconte Jean-Michel Doucet. Malheureux hasard et geste magnagnime du propriétaire : le trio est invité à se joindre à la fête. À écouter la tablée qui défile à la barre, Éric Balsac a l'alcool mauvais et la tête des mauvais jours. « Il bougonne, bougonne », dit l'un. « Il était au bout de la table, tout penaud avec son verre, il calculait les gens, il regardait, il avait la rage, la haine », lâche Cédric Bouchaud.
Elle ne veut pas rentrer
C'est que son amie Christelle s'égaye en si bonne compagnie. « Aguicheuse ? » « Dragueuse ? » Plusieurs fois la question est posée tant par la présidente Kattel Couhé que les avocats des parties civiles. « Non, non, elle était familière », résume Raphaël Morel. Le comportement ambigu de la jeune fille, unique levier de la jalousie que rumine Éric Balsac ? « Il m'a regardé, m'a dit "je vous mettrai un coup de fusil, tous là, si vous vous foutez de moi", raconte Cyril Dugast. Solide employé communal, il fait mine d'avoir pris Éric Balsac par le collet : « Je l'ai emmené dehors, je l'ai mis dans sa voiture. »
Éconduit une, deux, trois fois, Éric Balsac revient, tambourine aux carreaux. Le poignet bandé, Christelle rechigne à s'en aller avec lui, laissant entendre aux autres que son compagnon la bat. On tente de raisonner Éric Balsac, chacun y allant de sa tentative d'explication. Sébastien Courtioux finit par lui porter un coup au visage, semble-t-il au niveau de la lèvre. « Léger » Coup de poing ? Gifle appuyée ? « Pichenette », comme dit Cédric Bouchaud ? Toujours est-il qu'Éric Balsac revient s'asseoir. Un invité jugé unanimement « pénible », « irritant », sans-gêne » : « Sébastien a été très, très patient », loue encore Cyril Dugast.
« Barrez-vous ! »
L'indésirable finit par s'en aller sans sa compagne. Et le voilà qui revient une demi-heure plus tard, armé du fusil. Sébastien Courtioux se lève de table, s'en va à sa rencontre. Il meurt dehors, froudroyé d'un coup de carabine. Cédric Bouchaud raconte la suite depuis la salle à manger : « Wilfried choppe deux bouteilles de champagne, j'ai eu le temps de lui en prendre une et là, j'entends « pan ! ». J'ai senti un souffle dans la porte et Wilfried qui s e tenait le bras, qui a dit "barrez-vous" ! » Celui-ci a eu le temps de tirer le corps de son ami sur quelques mètres avant de s'effondrer à son tour dans la cuisine.
Cédric Bouchaud et Anthony Sartory, arrivés à la fête sur le tard, courent se cacher : « On est monté par une petite échelle sur un toit. On était fait comme des pigeons, on a sauté, on a traversé la cour. » Éric Balsac n'est pas parti : « On l'a vu, il attendait, il criait "t'es où Bouchaud, je vais te tuer !"» Enfin, il reprend la route, dûment accompagné de Christelle. Le couple sera interpellé à son domicile, en fin de matinée. À l'étage de la maison des Courtioux, Clara, 4 ans, se réveille. Cédric Bouchaud grimpe les escaliers : « J'ai couru en haut, je me suis occupé de la petite. Elle a dit : "Est-ce que papa va arriver ?"»
http://www.sudouest.fr/2012/06/20/le-convive-etait-de-trop-748053-946.php
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