Après deux jours de procès, le procureur du tribunal de Paris a requis 6 ans ferme contre Adlène Hicheur. Ce physicien et chercheur du Cern est soupçonné d'avoir suggéré des cibles pour des attentats par des messages électroniques à un membre présumé d'Al Qaïda au Maghreb islamique en 2009. La stratégie de défense (...) est de faire d'Adlène Hicheur un martyr de la lutte antiterroriste», a résumé le magistrat mais, a-t-il mis en garde, «je n'ai vu aucun bouc-émissaire de la lutte antiterroriste, aucun complot pour abattre» le prévenu.
Une semaine après l'épilogue des tueries de Toulouse et Montauban, le procureur Guillaume Portenseigne a refusé tout amalgame et appelé le tribunal correctionnel à «mettre de côté le dossier Merah», du nom du tueur qui a revendiqué les meurtres au nom d'Al Qaïda. «Il serait un peu facile pour moi d'exploiter cette peur», a-t-il reconnu dès le début de son réquisitoire.
Le représentant du ministère public a ensuite engagé le tribunal à «se départir de ses préjugés : qu'un homme brillant comme ce franco-algérien ne saurait tomber dans les bras du terrorisme». Car, a-t-il continué, «l'histoire d'Adlène Hicheur se confond avec celle de l'obscurantisme religieux». Ainsi, «il est fier que Mustapha Debchi, terroriste de l'Aqmi, lui propose un attentat-suicide» dans un de ses courriels. «La virtualité des échanges» sur Internet, a prévenu Guillaume Portenseigne, n'est pas «synonyme d'irresponsabilité pénale», comme le prouve la condamnation des pédopornographes. «Nous sommes comptables de nos mots et de nos actes, fussent-ils transmis par une communication électronique».
L'avocat du physicien : «Une tentative de diabolisation entamée depuis son arrestation
«On vient d'entendre une charge à la hussarde», a immédiatement réagi l'avocat du prévenu, Me Patrick Baudouin, mais «ce n'est que la suite logique de la tentative de diabolisation entamée depuis son arrestation». Plus tôt, son client s'était plaint qu'on veuille l'enfermer dans des qualificatifs du type «islamiste» ou «jihadiste». «Je crois que je vais ressortir de ce procès avec la istite aiguë, je n'ai jamais autant entendu de iste, avait ironisé l'enseignant-chercheur, avant de dénoncer une nouvelle fois les méthodes policières, «dégueulasses» à ses yeux.
Toutefois, si le chercheur a multiplié les éclats indignés, il a peiné vendredi à se justifier lorsqu'étaient évoqués certains de ses écrits favorables à la cause jihadiste. La présidente Jacqueline Rebeyrotte a évoqué les messages de mars 2009 où Adlène Hicheur évoquait des «objectifs» en France, et notamment le bataillon de chasseurs alpins de Cran-Gévrier, près d'Annecy, qui a envoyé des soldats en Afghanistan. Jeudi, le chercheur avait affirmé qu'il se souvenait à peine de ces échanges et les avait imputés à sa fragilité physique et psychologique de l'époque.
Vendredi, il a de nouveau minimisé ce message. «Il n'y a jamais eu de dévolu sur quoi que ce soit», s'est-il emporté. La base de Cran-Gévrier, «ça a été cité une fois, dans un contexte bien précis, en lien avec une actualité chaude, mais sans but précis. D'ailleurs, c'est apparu une fois et c'est plus jamais apparu».
La décision devait être mise en délibéré.
http://www.leparisien.fr/faits-divers/six-ans-requis-contre-le-physicien-qui-se-defend-d-etre-un-terroriste-30-03-2012-1931756.php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire