dimanche 23 octobre 2011

Expulsé à 80 ans

Paul-Henri Thulliez est hospitalisé à La Rochelle depuis deux jours. Cet homme de 80 ans, grand cardiaque, a été pris d'un malaise jeudi matin quand un huissier et quatre gendarmes sont venus l'expulser de la grande et belle demeure qu'il occupe depuis 1969 au 4, rue de l'Hospice, à La Flotte-en-Ré. Le Service mobile d'urgence et de réanimation (Smur) l'a emmené d'urgence, tandis que son épouse, Élisabeth, trouvait refuge chez un ami ostréiculteur. Hier, les déménageurs vidaient les lieux pour faire place nette au nouveau propriétaire.
Cette expulsion est l'épilogue d'une longue et complexe histoire juridico-familiale. La maison a été vendue en 2005 à la barre du tribunal de Versailles suite au divorce difficile de Paul-Henri Thulliez d'avec sa première femme. La vente était-elle régulière ? La seconde épouse, Élisabeth, affirme que non. Le bien était propriété du couple et ne pouvait donc être vendu sans l'accord des deux. Or, son mari n'a jamais été informé. Selon d'autres sources, le jugement de divorce attribuait à la seule épouse la pleine propriété de la maison de La Flotte.
L'État ne paie plus
Car pendant ce temps, l'acquéreur s'impatiente. Il a acheté la maison pour 680 000 euros et voudrait bien en prendre possession. Le tribunal d'instance de La Rochelle lui donne raison en 2009. Les Thulliez, « occupants sans droit ni titre », doivent partir. La préfecture refuse en 2010 une première demande de recours à la force publique. Puis accepte la seconde en 2011.
« Quand un jugement d'expulsion n'est pas exécuté, le propriétaire peut se retourner contre l'État pour être indemnisé, rappelle Jean-Claude Lidon, l'huissier de justice qui est intervenu jeudi à La Flotte. En l'occurrence, le tribunal avait fixé l'indemnité d'occupation à 1 000 euros par mois. »
L'État n'a plus les moyens. La préfecture, qui hier temporisait, donne désormais plus facilement son feu vert aux expulsions manu militari. Surtout quand les procédures se bousculent et qu'approche le 1er novembre, début de la trêve hivernale. Même s'il s'agit d'un octogénaire cardiaque. Quant au fameux « droit au relogement », il n'existe pas. Il n'y a que la loi Dalo (Droit au logement opposable) qui ne sert pas à grand-chose quand les logements manquent. « Un appartement leur avait été proposé l'an dernier aux Minimes, affirme Me Lidon, ils l'ont refusé. » Ce que conteste Mme Thulliez. À chacun sa vérité. Celle des hommes de loi ou de l'administration n'est pas celle de Mme Thulliez et de ses enfants venus la soutenir. Ils ont le sentiment d'une terrible injustice. « Je sais bien que force doit rester à la loi mais quand même…, s'insurge leur avocat, François Esclatine, associé du cabinet parisien Jean Veil. Ce ne sont pas des squatteurs, c'est quelqu'un d'âgé, de très malade, qui a toujours habité ici. »
Le maire de La Flotte, Léon Gendre, estime pour sa part avoir fait « tout ce qu'il était possible de faire. Mais un maire n'a pas mission de s'opposer à la loi. »
Paul-Henri Thulliez est sorti hier soir des soins intensifs pour être admis en cardiologie.
http://www.sudouest.fr/2011/10/22/expulse-a-80-ans-533504-1381.php

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