Un hôtel particulier au riche passé historique muré de parpaings et d’une porte métallique, en plein secteur sauvegardé, forcément, ça fait désordre. Et pourtant, l’hôtel particulier Castanier-Laporterie, situé au 77, rue de Verdun, n’appartient pas à un propriétaire immobilier négligent ou irrespectueux du patrimoine carcassonnais. Bien au contraire ! Il est même l’illustration d’une arnaque immobilière présumée qui intéresse, en ce moment, la justice du côté de Marseille.
Pourquoi la cité phocéenne ? Tout simplement parce que nombre de victimes, réparties sur l’ensemble du territoire français, en sont originaires.
Parmi elles, Jean-Pierre Ghilini, un ingénieur retraité qui croyait faire une bonne affaire en participant, via la fameuse loi Malraux, à la rénovation d’un bâtiment au charmant cachet. "Je suis originaire de Saint-Girons, je connais donc cette fabuleuse ville de Carcassonne : investir dans une opération défiscalisée, comme le veut la loi, sur un bel immeuble et permettre à des gens de catégories sociales défavorisées de revenir en centre-ville grâce à des loyers modérés m’intéressait", confie ce dernier.
Nous sommes en décembre 2000. Abordé par des cabinets spécialisés qui œuvrent pour le compte du groupe Quarante, le retraité se laisse séduire : forcément puisqu’avec la défiscalisation, c’est une opération blanche sur neuf ans qui lui est promise. Il achète donc un T2 de 42 m2 pour 30 000 € auxquels il faut ajouter 70 000 € de travaux, et contracte un prêt pour ces deux opérations. Une association foncière urbaine libre (Aful) est constituée avec les 27 autres propriétaires qui, forcément disséminés sur la France entière, ne se connaissent pas. Tout semble bien donc engagé.
Sauf qu’au bout d’un an, rien ne bouge. Pire : la moitié des fonds sont prélevés alors que les autorisations spéciales de travaux n’ont même pas été obtenues. Au bout de trois ans, c’est la totalité des fonds qui sont captés par les responsables de l’opération. Alors pourquoi les copropriétaires ne réagissent pas ? "Nous réagissions régulièrement, seulement on nous mettait en confiance. On nous disait que le projet avait été rejeté par les Bâtiments de France, qu’il fallait recommencer ; que la société qui devait faire les travaux, CMTO, avait des difficultés financières mais qu’on n’avait pas à s’inquiéter ; qu’il ne fallait pas engager de procédure, sinon l’on perdait la défiscalisation...", se souvient Jean-Pierre Ghilini.
La situation dure jusqu’en 2007, date à laquelle CMTO est placée en liquidation judiciaire et les délais de prescription approchent : entre temps, en 2005, plainte est tout de même déposée (lire ci-dessous).
Aujourd’hui, avec les différents frais inhérents à l’affaire, Jean-Pierre Ghilini a perdu ses économies : 120 000 €. "Mais le préjudice est loin d’être terminé, avance le retraité. Parce que le bâtiment continue à se dégrader. J’ai été élu nouveau président de l’Aful et on a dû se résoudre à murer le bâtiment pour éviter que quelqu’un n’entre au risque de se blesser gravement. A une catastrophe financière, nous ne voulons pas que s’ajoute un drame humain !"
Au total, sur l’ensemble de cette opération, les 28 propriétaires auront perdu la bagatelle de quatre millions d’euros. Ils espèrent revendre leur bien...
Un homme d’affaires montpelliérain en examen
L’affaire de l’hôtel Castanier-Laporterie ne serait pas la seule menée par le groupe Quarante. Pas moins de 28 bâtiments seraient en effet concernés sur la France et une centaine de victimes auraient été recensées pour un préjudice total avoisinant les 80 M€ ! Après la plainte déposée en 2005 par un médecin marseillais, le juge Duchaine, de la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille, a été chargé de l’instruction.
Une instruction qui devra démontrer pourquoi, sur les 28 chantiers lancés par CMTO, branche du groupe assurant “la réhabilitation d’immeubles classés historiques et situés dans des secteurs sauvegardés à des fins de défiscalisation” (rappelons que CMTO a été placée en liquidation judiciaire en 2007), pratiquement aucun n’a commencé. Représentant une trentaine de victimes, Me Renucci-Papretx, du barreau de Marseille, explique le fonctionnement de l’engrenage : « On retrouve globalement les mêmes personnes dans la société qui vend, celle qui fait les travaux, et celle qui défiscalise.
Des associations foncières urbaines libres étaient créées : à Carcassonne, le président avait une fonction honorifique. Un directeur, lui aussi lié au groupe, avait été nommé : il avait la totalité des pouvoirs bancaires lui permettant de collecter les fonds ».
Le dirigeant de CMTO, originaire de Montpellier, a été mis en examen vendredi dernier pour “escroquerie et abus de confiance aggravé” : il reste présumé innocent. Son avocat, Me Scheuer, était hier injoignable.
http://www.midilibre.fr/2011/06/29/arnaque-a-la-loi-malraux-dans-la-rue-de-verdun,345880.php
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