Carotte brandie en emblème gouailleur, poing levé, il fait face à la foule avec ce seul mot d’ordre : « C’est l’image qui compte, souvenez-vous en. Faites des photos et postez-les sur les réseaux sociaux ! »
Fabrice Schglegel, à Dole, vient d’organiser la première manifestation officiellement Facebook et ceux qui lui répondent par des vivats brandissent haut leur portable. De 15 à 65 ans, elle est là cette France qui ne croit plus en la politique et vient manifester sa colère bien, souvent pour la première fois.
Pour elle, la hausse de l’essence est la goutte qui a fait déborder le vase et l’a fait quitter ces écrans derrière lesquels elle contenait jusqu’alors le partage virtuel de son « ras-le-bol » pour la rue. « Mais t’as tout le reste aussi », ajoute Sophie, bien en peine de préciser ce reste. « Les vieux », entend-on souvent. Comprendre : cette CSG qui vient amputer les retraites de quelques dizaines d’euros. « Hé ben moi, ça fait 650 € par an », lâche avec dégoût un motard blanchi sous le harnais. « Mon entreprise a déménagé à 10 km cet été. Avant, j’habitais à côté, maintenant, je sens la différence sur mon budget », explique Isabelle. « Du coup, on se prive sur les sorties du week-end. Je vis seule avec mes quatre enfants et leur père habite en Moselle. On s’arrange pour faire chacun la moitié du chemin mais quand je monte, j’en profite pour passer au Luxembourg. Au retour, il me reste un demi-plein. »
Ce vendredi, le rendez-vous était donné à huit heures sur le vaste parking qui fait face à la vieille ville de Dole, le charmant ensemble de son port et ses remparts. Une heure plus tard, le cortège des manifestants s’étirait au ralenti sur 7 km, fort de 500 voitures et une vingtaine de motos, plus quelques camions pris au piège ou solidaires, allez savoir. Et l’organisateur, qui bloque le pont de la Corniche, se fait houspiller par la police : « Faut que tu avances, les derniers ne peuvent pas sortir du parking… » Dans le sens inverse, nombreux sont ceux qui klaxonnent au passage du cortège, marquant leur soutien d’un gilet jaune disposé sur leur tableau de bord. Le mouvement dit « du 17 novembre », avancé de quinze jours dans le Jura, aura eu valeur de test.
Une adresse au gouvernement
En fin de matinée, une délégation est reçue par le sous-préfet Nicolas Ventre. Fabrice Schleg el lui remettra un courrier à destination du gouvernement, avant de ressortir bien vite, pressé par les vrombissements des motos stationnées à la porte. « Il nous a écoutés. Maintenant, ce n’est pas le tout, il faut être entendus », souffle-t-il avant de s’adresser au dernier carré de deux cents manifestants.
« Cela fait des années qu’on nous méprise. Il est temps que le peuple apolitique et non syndiqué se lève. Et pour que nos revendications aboutissent, il faut faire comprendre que l’on est motivé et solidaires. On n’est pas les plus malins ni les plus forts mais on est les plus déterminés. »
Une Marseillaise s’élève alors dans le cœur de Dole, ponctuée d’une pluie de carottes sur la façade de la sous-préfecture.
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