lundi 22 octobre 2018

Violences conjugales : briser le silence

« Une femme sur dix déclare être victime de violences conjugales ; une femme en décède tous les trois jours en France. » Les chiffres livrés par Célia Zaffaroni, psychologue clinicienne du service de médecine légale du CHRU de Nancy, font froid dans le dos. Chaque année, entre 300 et 400 personnes victimes de violences conjugales et ayant déposé plainte (des femmes majoritairement), sont accueillies dans l’unité. Ce n’est pourtant qu’une partie de l’iceberg, rappelle le chef du service, le Pr Laurent Martrille. Les deux professionnels étaient invités par l’association Empathex (*) à intervenir dans une conférence intitulée « Briser le silence ».
Les violences conjugales sont « sous-évaluées ». Le Pr Martrille rappelle les résultats d’une étude menée durant une semaine, de jour comme de nuit, auprès de toutes les femmes passées aux urgences : « 36 % d’entre elles avaient été ou étaient victimes de violences conjugales. On est loin des 10 % ! »
« Tout médecin est susceptible d’être appelé à prendre en charge la violence conjugale », insiste le Pr  Laurent Martrille, « le généraliste en premier lieu, l’urgentiste… Il faut être à l’affût des symptômes ». Savoir repérer des signes : « Une incohérence entre une b lessure constatée et une explication donnée ; une femme qui regarde son mari avant de parler ; des appels à l’aide au travers des demandes de consultations fréquentes et répétitives pour des pathologies bénignes chez les enfants… »

L’importance du certificat descriptif

Le dépistage systématique en consultation existe aux USA et porte ses fruits, note le spécialiste. C’est vers cela qu’il faut tendre, dit-il : « Même si la femme ne dit rien, cela fera son chemin ». Le médecin légiste rappelle qu’en cas de violences conjugales évoquées devant un médecin, quel qu’il soit, ce dernier doit « impérativement » élaborer et conserver un certificat descriptif des violences, qui sera essentiel, le jour où la patiente portera plainte. Un certificat extrêmement précis. Le Pr Martrille cite l’exemple d’une femme battue dont les blessures se caractérisent par deux ecchymoses parallèles rouges séparées de peau saine, « typiques d’une blessure provoquée par un objet long et arrondi. Si le médecin détaille précisément cette blessure, alors on pourra dire au magistrat qu’il est possible que cette femme ait été battue à l’aide d’un câble électrique comme elle le dit. Si le médecin écrit seulement ecchymoses rouges, on ne pourra pas. »
Physique, psychologique, la violence conjugale « peut également être sexuelle, « un viol sur trois est le fait d’un compagnon ou ex-compagnon », rappelle Célia Zaffaroni. Ou économique quand le conjoint « contrôle, prive, voire spolie les ressources du partenaire ».
« La séparation est un moment de grand danger, de grande vulnérabilité et il faut y être très attentif », rappellent les deux professionnels.


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