C'est dans un silence à couper au couteau que le verdict est tombé : 10 ans de réclusion criminelle pour Joseph Miqueu. Le maximum de la peine réclamée par l'avocate générale. L'attitude de dénégation systématique, face aux plus criantes évidences, a beaucoup desservi le retraité, qui s'est enferré jusqu'au bout.
«Tout ça, c'est un tissu de mensonges !», a déclaré Joseph Miqueu après la déposition de son épouse Françoise (voir encadré ci-contre). Tous les témoins mentent ? «Oui.» Tous les experts mentent ou se sont trompés ? «Oui.» Sa femme ment ? «Oui.» Jusqu'au bout, jusqu'au tout dernier moment, Joseph Miqueu va rester arc-bouté à son histoire, à sa vérité à lui. Contre toutes les évidences, contre tous les témoignages, contre tous les avis d'experts pourtant qualifiés de «pontes», chacun dans leurs domaines.
Des déclarations péremptoires qui, une nouvelle fois, ont provoqué hier la colère du président Francis Bobille : «Je vous rappelle que vous avez le droit de mentir. Mais la frontière est mince entre le droit de mentir et une juridiction de penser que vous la prenez pour une imbécile. Elle peut finir par s'en offusquer».
Sous la pression de son avocate, Me Dominique Chevallier, Miqueu va finir par faire un pas, un tout petit pas : «Je suis resté inconscient, alors peut-être que je me suis fait un petit cinéma avec le verger…». La réplique du président est immédiate : «Vous découvrez ça à l'audience ? Sous la pression ? Mais quel crédit peut-on vous accorder ? Quelle confiance peut-on vous faire ?». Joseph Miqueu insiste : «J'ai jamais voulu lui faire mal. Juste lui faire peur». La voix du magistrat enfle : «Avec un fusil chargé ? Dans un espace confiné et réduit sans échappatoire possible ? Avec d'autres munitions prêtes à servir ? Vous vous rendez compte de ce que vous racontez depuis hier ? Absolument tous les éléments démontrent le contraire de ce que vous dites. Y compris les témoignages. Soyez un homme à un moment donné ! Assumez un peu !».
Un tyran domestique
Un instant, on a pu penser que le procès allait basculer quand le retraité déclare : «Oui, je reconnais et je m'excuse». L'illusion sera de très courte durée. «De quoi vous excusez-vous ?» «Ben, de lui avoir fait peur. Je l'ai poussée avec la main, je voulais aller dehors, pour tirer à côté et lui faire peur. Ce qu'elle décrit, c'est pas vrai, elle ment.» Me Thierry Sagardoytho, pour la partie civile, n'aura pas à forcer son talent pour s'adresser aux jurés : «Face à ce mur d'arrogance et de cynisme, ne soyez pas dupes. Il y a le Joseph Miqueu à la ville : agréable, jovial, convivial. Et il y a le Joseph Miqueu au foyer : un tyran domestique qui tire sa force du fait qu'on ne le voit pas. Il y a l'alcool, les insultes, le mépris de quelqu'un qui s'est arrogé le droit de vie et de mort sur son épouse, qui a fui en se noyant dans le travail, en se dévouant pour les autres. Lui faire peur ? Mais de quoi ? Les mots ont un sens : la tentative de meurtre est un crime. Et s'il ne reconnaît rien, c'est par pur orgueil machiste. Il a tout le temps menti». L'avocate générale Marie-Charlotte Trébuchet va démontrer point par point que la tentative de meurtre est bel et bien consommée. Que l'intention homicide était bien réelle. Que l'âge de l'accusé n'a pas à entrer en ligne de compte et que seule la loi prévaut.En conséquence, elle va réclamer de 8 à 10 ans de réclusion criminelle. Après avoir rappelé les terribles chiffres de la violence conjugale et «la dérive culturelle» quant à ces violences.
Pour la défense, Me Chevallier va tenter de démontrer que son client n'avait pas réellement l'intention de tuer et que l'envoyer derrière les barreaux, à 76 ans, équivaut à une condamnation à perpétuité : «Même sa femme ne l'envisage pas… Pensez à ses filles, qu'elles puissent dire à leurs enfants que leur grand-père n'était pas un criminel».
La victime Coupable, oui, mais pas la prison
Françoise Miqueu n'a jamais varié dans ses déclarations depuis 38 mois. On a découvert une petite femme déterminée à la barre, mais sans la moindre agressivité : «Ce que j'attends de ce procès, c'est la vérité, c'est qu'il soit déclaré coupable. Mais je ne veux pas qu'il aille en prison. Pourquoi faire ? Juste qu'il reconnaisse. Je veux pouvoir refermer ce livre une bonne fois pour toutes.» Son mari ne lui accordera pas ce qu'elle demande. Il continue à la traiter de menteuse, de comédienne, alors que tous, sans exception, experts psychologues compris, affirment que cette femme est honnête, courageuse, travailleuse jusqu'au dévouement et parfaitement «authentique». Depuis ce 24 novembre 2013, elle vit dans la peur mais ne se laisse pas abattre. Entre le mépris et l'arrogance d'une part, le courage et l'honnêteté d'autre part, ce procès aura donné un grand éventail d'humanité. Un grand écart entre deux attitudes.http://www.ladepeche.fr/article/2016/01/16/2256588-10-ans-pour-joseph-miqueu.html
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