dimanche 30 novembre 2014

Aubervilliers : il accuse deux policiers de l'avoir tabassé

Il y a d'abord ce visage tuméfié et ce regard un peu perdu. Il y a ensuite le récit glaçant de violences subies, selon ses déclarations, « sans raison » et « sans retenue ». Samir*, la trentaine, ne comprend toujours pas pourquoi il a été passé à tabac par deux policiers alors qu'il se trouvait à son domicile, le 23 novembre au petit matin, dans son appartement d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis)
Ce futur père de famille, à la carrure de déménageur, livre d'une voix lasse son « calvaire ».

« Je m'étais disputé avec ma compagne car j'avais bu 5 ou 6 whiskies au
de la nuit avant de rentrer chez moi, confie d'emblée Samir. Il y a eu des éclats de voix entre nous, mais rien d'autre. Vers 8 h 30, j'ai entendu du bruit au niveau de la serrure de la porte de mon appartement. Puis quelqu'un a sonné. J'ai entrouvert et j'ai vu trois policiers en uniforme. Ils voulaient pénétrer de force chez moi. Je n'ai pas voulu les laisser entrer. Ils ont alors mis des coups de pied dans la porte puis l'un d'entre eux a dit : Allez les gars ! J'ai résisté un instant avant de me retrouver au sol, menotté aux poignets mais aussi aux chevilles. »

Perte de connaissance et vomissements

L'homme, employé dans le bâtiment, raconte ensuite la « pluie » de coups qui s'est abattue sur lui. « J'ai crié Au secours ! Ma compagne a tenté de s'interposer, mais elle est enceinte de quatre mois. Un premier
m'a porté plusieurs coups de pied et de poing au niveau de la . Un second a fait de même. Il m'empêchait de respirer en me maintenant fermement au sol avec son pied. Je reconnais les avoir alors insultés, mais il n'y avait aucune raison pour qu'ils se déchaînent sur moi comme ça. »

Samir se remémore avoir « perdu connaissance à plusieurs reprises », « senti [son] tympan droit éclater » après avoir reçu un nouveau coup de pied, avoir « essayé de ramper » pour se dégager, puis avoir ressenti une « énorme douleur à la main gauche » sous l'effet d'un nouveau coup.

Alors qu'il se met à vomir et perd encore connaissance, les fonctionnaires décident d'appeler les pompiers. « Quand ils (ndlr. les pompiers) ont demandé ce qui s'était passé, les policiers ont répondu que mon compagnon s'était tapé la tête contre les murs, souffle Lila*, l'amie de Samir, encore sous le choc. Un des trois policiers n'a pas porté de coups. Il était lui-même très mal à l'aise. C'est le seul à avoir montré son matricule lorsque je lui ai demandé. »

Quarante-cinq jours d'interruption de travail

Conduit à l'hôpital de Saint-Denis, Samir se fait recoudre une arcade sourcilière avant d'être ramené au commissariat d'Aubervilliers. « J'ai été placé en cellule de dégrisement, puis un médecin est venu m'examiner, poursuit-il. Il m'a proposé de me donner un calmant tout en me disant que mes blessures étaient des égratignures. Je suis resté la nuit du dimanche au lundi en cellule, puis un autre médecin m'a ausculté. Il a tout de suite estimé que mon état de santé n'était pas compatible avec une garde à vue. »

Examiné dans la foulée à l'hôpital Avicenne de Bobigny, Samir se voit diagnostiquer une fracture de la main gauche, une perforation d'un tympan avec des complications au niveau de l'oreille interne, ainsi que trois côtes cassées. Il s'est vu délivrer quarante-cinq jours d'interruption totale de travail (ITT)... Traumatisé et meurtri, Samir a déposé plainte auprès de l'inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices. « Comment ont-ils pu aller aussi loin ? s'interroge-t-il. L'un des deux policiers avait même le sourire aux lèvres... »

* Les prénoms ont été changés.


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