L'escroc avait loué 24 voitures de luxe à Pigeon, groupe automobile bordelais
'il avait pu jeter un œil sur leur casier judiciaire, Patrick Pigeon, le PDG du groupe automobile du même nom, aurait certainement éconduit les deux hommes assis hier sur le banc des prévenus du tribunal de Bordeaux. Cela lui aurait sans doute évité de se faire pigeonner ! En 2010, le chef d'entreprise installé à Bruges, exploitant des marques Nissan, Opel et Kia et propriétaire de concessions en Gironde et dans les Charentes, a cru doper son chiffre d'affaires quand son groupe a signé un contrat avec un certain Raphaël Cesal, un loueur de voitures installé dans la région parisienne. L'homme s'appelait en fait Serge Salfati mais, déjà condamné pour avoir exercé la profession de trader sans autorisation ou détenu des matières nucléaires, il préférait avancer masqué.
« Google m'empêche de vivre normalement », confesse ce fils d'avocat parisien pour justifier les faux qu'il a multipliés lors de la création de Carin'one, la société dont il était le gérant de fait. La mariée présentait bien, et Locapig, l'entité du groupe Pigeon spécialisée dans la location longue durée, lui a prêté 24 véhicules dont la valeur totale dépassait 1 million d'euros. Que des modèles de luxe ou presque : quatre Porsche, cinq Mercedes, sept Audi, deux BMW…
Serge Salfati a rapidement trouvé des clients, dont certains avaient la fâcheuse habitude d'acquitter leurs pleins d'essence avec des cartes bleues volées ! Pendant quelques mois, le groupe Pigeon n'a eu qu'à se féliciter de leur collaboration. Les dépôts de garantie avaient été versés, les premiers loyers honorés. Une société de cautionnement, installée à Bruxelles et agréée par les autorités belges, garantissait en outre le contrat à hauteur de 200 000 euros. Rien ne laissait penser qu'il s'agissait d'une coquille vide domiciliée dans un centre d'affaires dont la cheville ouvrière, Ignace Louis Sidney, était lui aussi un repris de justice !
Dès les premiers incidents de paiement, compte tenu du nombre de voitures dans la nature, Patrick Pigeon a fait appel à un détective. Le privé n'a pas tardé à découvrir la véritable identité du faussaire. Inquiet, le groupe Pigeon a aussitôt déposé plainte. « Il y avait des impayés, il était impossible de localiser les voitures, insiste son avocat, Me Arnaud Dupin. L'entreprise était alors au bord du précipice. » Grâce au concours de Serge Salfati qui a effectué 9 mois de détention provisoire, 20 véhicules ont été récupérés. Malgré tout, le groupe évalue aujourd'hui son préjudice à près de 530 000 euros.
« Escroc un jour, escroc toujours. On n'est pas forcément étonné de les retrouver ensemble », observe le procureur Guy Étienne. Confrontés au poids du passé, les avocats de la défense cherchent fatalement à faire oublier le « palmarès » de leurs clients. Sans nier « les aspects désagréables », Me François de Contencin, l'avocat d'Ignace Louis Sidney, récuse toute idée de fraude : « Le groupe Pigeon soutient à Bordeaux que l'acte de cautionnement participait de l'escroquerie. Mais, à Bruxelles, il a lancé une assignation pour le faire jouer. C'est bien la preuve que la société existait et qu'elle disposait d'un agrément. »
Me Guitard, le conseil de Serge Salfati, s'inscrit lui aussi dans ce sillon. Selon lui, la plainte de Patrick Pigeon a empêché son client de faire face à ses obligations alors que les premiers mois de location s'étaient bien déroulés. « Vous en connaissez, vous, beaucoup des escrocs de haut vol qui paient des loyers et règlent des acomptes ? » Cela n'a pas empêché le tribunal de le condamner hier soir à deux ans de prison dont un an avec sursis et mise à l'épreuve, Ignace Louis Sidney écopant pour sa part d'un an ferme assorti de 10 000 euros d'amende.
http://www.sudouest.fr/2014/05/13/bruges-quand-le-pigeon-se-fait-voler-1553276-2780.php
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