vendredi 4 avril 2014

Procès d'Abdelhakim : qui a porté le coup mortel ?

Les accusés campent sur leurs positions. Abdelhakim a fui sans toucher un couteau ce soir-là. Aurélie affirme qu'il s'est interposé avec l'arme à la main contre Mathieu.
Qui a porté le coup de couteau mortel ? Ce fut la question centrale qui a occupé les débats tout hier aux assises. Un premier coup mortel planté sur 9 cm dans la région du cœur provoquant une hémopéricarde et un pneumothorax, entraînant une hémorragie interne fatale. Plus un second coup dans le dos atteignant le lobe inférieur du poumon sans conséquence pour le pronostic vital et entaillant une cote. Deux coups présupposant de la force.
Bien que campant sur leurs positions, la thèse de El Mahjouri a été mise à mal. Il a déclaré s'être «cassé», quand il a vu Mathieu entrait en furie et se jetait sur Aurélie, en criant «Sale pute ! Je le savais !». Il aurait détalé, serait parti, puis revenu voir si le couple s'était réconcilié (sic). Il aurait découvert Mathieu allongé sur la terrasse. Comme il avait de la drogue sur lui, il aurait filé et bombardé sa compagne d'appels et de SMS à partir de minuit, toutes les deux secondes. «Pourquoi alors qu'un homme est gravement blessé, vous ne pensez qu'à l'appeler ?», questionnait le président. «J'avais trouvé des appels en absence d'elle. J'ai pas été très courageux…».
L'analyse ADN sur le couteau à steak met en évidence des traces de sang. Un mélange entre Mathieu et El Mahjouri. Explication de l'intéressé : l'après-midi, il avait confectionné chez Aurélie des poches d'héroïne avec ce couteau. Sachant que la voie était libre, il avait voulu passer un moment seul avec elle ce soir-là. Ils en auraient sniffé et fumé.

Coups mortels ?

Une défonce commune les derniers temps, avec une fellation en rétribution. Les analyses toxicologiques de Mathieu révélaient 0,31 mg d'alcool et une concentration thérapeutique de méthadone, mais aucune trace d'opiacé.
Manquant de conviction dans ses propos, inaudible, El Mahjouri s'est enfoncé hier.
S'il n'avait rien à se reprocher pourquoi n'a-t-il pas parlé du Roumain, «Craigniez-vous son témoignage ?», lui assénait le président. La nasse a commencé à se refermer sur lui, malgré une perche tendue : l'hypothèse de coups mortels. «Mathieu est arrivé les yeux exorbités, comme un fou. On peut se retrouver dans une situation où on a peur et on prend quelque chose en main, mais on ne veut pas tuer», a suggéré le président. «Je n'ai jamais été violent !».
Mais surtout sa défense était mise à mal par une Aurélie nettement plus convaincante, décrivant avec précision et d'une voix assurée, le déroulement de la soirée. Non il n'y avait jamais eu de fellations entre eux, non, sous traitement de substitution depuis juin, elle n'avait pas pris d'héro ce soir-là. Oui, elle l'avait croisé dans l'après-midi et lui avait dit que Mathieu était parti entre deux gendarmes. Elle l'avait autorisé à venir, une fois sa fille couchée. Elle dînait vers 22 heures et avait laissé le couteau (du drame) et la fourchette dans une assiette en évidence. Abdelhakim était arrivé à 23 h 15. Et vers 23 h 45, les phares d'une voiture éclairaient le salon. Celle du Roumain, elle voyait Mathieu en descendre et tentait de verrouiller la porte qu'il repoussait avec le pied en criant «Salope !». «El Mahjouri est arrivé derrière moi, j'ai vu le couteau qu'il n'a pas quitté». «Vous venez à plusieurs alors que je suis seul !», aurait-il hurlé à Mathieu qui les regardait fixement derrière la vitre, avant de lui lancer aussi : «Alors petite pute, tu veux me balancer !» (suite à des problèmes liés au trafic). Les deux hommes étaient face à face. Le Roumain proche de la terrasse a vu un geste brusque, mais pas l'arme. Blessée, la victime s'est appuyée contre une voiture. Mathieu aurait suivi Abdelhakim dans la cuisine pour lui donner un coup de poing. «Ils se sont empoignés. J'ai crié : arrêtez !», tout en se tenant en retrait dans un couloir. Un second coup a pu être porté, suppose-t-elle, à ce moment-là. Car Mathieu se serait appuyé sur le lave-vaisselle, en se tenant le ventre. Puis il s'est affaissé par terre à côté de la voiture de son ami.
Dans un ultime sursaut de force, il se serait redressé pour se coucher mourant à l'arrière de la voiture, les jambes pendantes dans le vide. «Je l'ai secoué, il n'a jamais plus bougé», s'est effondrée Aurélie. El Mahjouri exigeait que le Roumain «bouge sa caisse» pour partir. «Il a rabattu les jambes de Mathieu dedans, en claquant la portière» et il aurait intimé à Aurélie : «Si tu parles, toi et ton gamin, vous êtes morts !». Aurélie et l'ami portaient Mathieu sur la terrasse. El Mahjouri revenait et lui tendait le couteau emballé et nettoyé.

Menaces sur sa fille

Alors qu'elle était en attente avec le SAMU, il vociférait : «Je vais en prendre pour 15 ans. Si tu dis pas tout de suite que c'est toi qui a fait ça, Margaux elle y passe !», menaces entendues en partie par le témoin. Elle s'exécutait et se dénonçait aussi aux gendarmes. Elle n'aurait pensé qu'à protéger son enfant, avant de se rétracter. Les enquêteurs soupçonnant fortement l'intervention d'un tiers. Le président s'étonnera que ses révélations en garde à vue soient plus édulcorées. Elle mettra cela sur le compte du choc, et tiendra tête aux saillies de Me Gonelle. Début des plaidoiries espérées aujourd'hui ou poursuivies lundi.

http://www.ladepeche.fr/article/2014/04/04/1855775-qui-a-porte-le-coup-mortel.html

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