Marcus Mayer avait un poste de confiance au sein de l’entreprise où il travaillait en contrat à durée déterminée. Il était chargé de récupérer, auprès de la Banque Courtois et du CIC Société bordelaise, les chéquiers que les clients n’étaient pas venus chercher dans les délais et il devait les transporter en un lieu sûr pour les passer au pilon.
Un jour, raconte-t-il, un sac se serait déchiré et 38 chéquiers en sont sortis. Ses yeux se sont écarquillés. La tentation était trop forte. Il n’a pas su résister. « La poche a éclaté, je les ai mis de côté », minimise le prévenu à la barre du tribunal correctionnel. « Vous les avez volés », rectifie le président du tribunal, Alain Reynal.
Marcus Mayer a très vite compris qu’il pouvait tirer quelque bénéfice avec toutes ces formules vierges. En jouant au foot, à Talence, il en parle à une de ses connaissances, Hervé Skitt. Les deux hommes tombent d’accord. Les chéquiers sont cédés pour 800 euros, en liquide.
Il y en aura d’autres, entre mai et septembre 2009. Car Hervé Skitt a des amis sur Paris capables de lui procurer des faux documents. Cartes d’identité, passeports, permis de conduire, etc. Il suffit de les établir aux noms et adresses figurant sur les chéquiers subtilisés pour pouvoir ensuite commettre une multitude d’escroqueries en toute tranquillité. « C’était malin, très astucieux, reconnaît le président Reynal. D’autant que la banque ne s’assurait pas de leur destruction. Ils ne pouvaient pas être déclarés volés car, en théorie, ils n’existaient plus. »
À Paris, une véritable filière a été mise en place afin de produire de fausses pièces d’identité pour approvisionner Hervé Skitt, qui avait proposé ses services à son copain Serge Yelamoko, dans le besoin à l’époque, auquel il cédait plusieurs chéquiers complets et des papiers pour 160 euros l’unité.
« On me livrait la marchandise à Paris dans les deux jours », avoue Hervé Skitt. Puis un autre copain d’enfance s’est rapproché de la bande et a profité du système. Mais Saint-Armel M’Bango a joué de malchance. Le 23 novembre 2009, les agents de la brigade de chemin de fer le contrôlent à la descente d’un train en gare Saint-Jean, à Bordeaux.
Il présente une carte d’identité qui met la puce à l’oreille des agents. Fouillé, il est trouvé en possession d’une carte de séjour et d’un permis de conduire avec deux autres noms. Il a aussi des chéquiers…
L’enquête des policiers de la Sûreté, puis de la police judiciaire saisie en raison de l’importance de l’affaire, permet de remonter jusqu’aux quatre comparses. Tous sont arrêtés et placés en détention provisoire, à l’exception de Marcus Mayer, seul à ne pas avoir de casier.
« J’ai trouvé la carte d’identité en faisant une photocopie à La Poste », tente d’expliquer sans trop de conviction M’Bango. « Racontez-nous comment ça s’est passé », tonne le procureur Yves Squercionni. « Il y a eu jusqu’à 3 000 chèques dans la nature », calcule le président Reynal, regrettant de ne pas pouvoir chiffrer précisément le préjudice en l’absence de partie civile au procès. « La lourdeur administrative était telle que vous avez eu le temps de voir venir. »
Les escrocs ont, en effet, rayonné un peu partout. « C’était pour nourrir ma famille », se défend Hervé Skitt. Tous affirment désormais avoir retrouvé le droit chemin. « La parenthèse est refermée », observe Me Yann Herrera, avocat de Marcus Mayer, condamné à un an de prison dont neuf mois avec sursis. Saint-Armel M’Bango écope de 18 mois dont 12 avec sursis. Hervé Skitt et Serge Yelamoko ont quitté le tribunal avec chacun une peine de deux ans de prison dont 14 mois assortis du sursis, à accomplir.
http://www.sudouest.fr/2013/09/28/il-detournait-des-chequiers-1182628-2780.php
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