Victime d'un début d'infarctus en mai 2007 alors qu'il était incarcéré à la maison d'arrêt de Poitiers, ce détenu avait été transféré en urgence par hélicoptère au CHU de Bordeaux. Avant d'être conduit deux jours plus tard vers une unité de cardiologie de l'hôpital voisin de Haut-Lévêque. Le policier désigné pour l'escorter n'avait pas fait montre de beaucoup d'égards à son encontre. Le prisonnier avait été contraint de se coucher sur un brancard, les mains menottées dans le dos. Une position guère compatible avec sa pathologie, qui vient de valoir à l'État d'être symboliquement condamné par le tribunal administratif de Bordeaux à lui verser 500 euros de dommages-intérêts.
Pour le principe
« On a récupéré une obole. Mais sur le plan des principes, c'est important, observe son avocat, le pénaliste poitevin Me Lee Takhedmit. En prison, quelle que soit leur responsabilité, les gens sont souvent tétanisés. Ils n'osent pas contrecarrer l'administration pénitentiaire. Dans un État de droit, il est heureux qu'un système judiciaire puisse dire à un moment donné que là, on est allé trop loin. On ne fait pas cela pour l'argent - on en perd plus qu'on en gagne - mais pour défendre une certaine idée de la justice. »
Le détenu, qui a recouvré la liberté, a fait preuve d'une rare ténacité. Il n'a jamais renoncé, patientant près de six ans avant d'obtenir gain de cause. La décision rendue se fonde essentiellement sur l'avis émis en 2009 par la Commission nationale de déontologie de la sécurité, une autorité administrative indépendante dont les missions ont été récemment transmises au défenseur des droits.
L'article 803 du Code de procédure pénale stipule que les détenus doivent être minutieusement fouillés avant les transfèrements. Mais il précise aussi qu'ils ne peuvent être soumis au port des menottes ou des entraves que s'ils sont susceptibles de prendre la fuite ou s'ils sont considérés comme dangereux pour autrui ou pour eux-mêmes. Il appartient donc aux policiers ou aux gendarmes de l'escorte de faire preuve de discernement.
Une qualité que n'a pas manifestée le fonctionnaire bordelais qui, en mai 2007, a menotté dans le dos le détenu poitevin alors qu'il était allongé sur un brancard sanitaire.
« Aucun risque sérieux »
« Il ne pouvait ignorer la pénibilité qu'une telle position devait nécessairement entraîner », souligne le tribunal en observant qu'il a aussi refusé l'utilisation des entraves dont disposaient les ambulanciers. Une attitude d'autant plus incompréhensible que l'intéressé « ne présentait manifestement pas de risque sérieux d'évasion ou de trouble à l'ordre public ».
Plutôt que d'opter pour un règlement à l'amiable, le ministère de la Justice a mobilisé ses services juridiques en essayant de se défausser sur le ministère de l'Intérieur, l'extraction et la garde du détenu relevant de l'autorité préfectorale. Une manœuvre dilatoire qui a fait long feu, la juridiction ayant estimé que quoi qu'il en soit, l'État était responsable.
Cette décision appelée à avoir une certaine résonance fait écho à celle rendue en 2012 par la cour administrative d'appel de Bordeaux. Elle aussi avait accordé 500 euros de dommages-intérêts à un étranger placé en centre de rétention et menotté lors d'une hospitalisation survenue en 2007. Une pratique alors assez répandue parmi les forces de l'ordre, ce qui a valu à la France d'être condamnée en 2011 par la Cour européenne des droits de l'homme pour recours abusif à des traitements inhumains et dégradants
http://www.sudouest.fr/2013/03/25/bordeaux-menotte-apres-un-debut-d-infarctus-l-etat-condamne-1004160-3.php
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