Au terme de trois jours d'audience, Yohann Buchart a été reconnu coupable du double meurtre de Tours-sur-Marne et condamné à 30 ans de réclusion criminelle mercredi. La deuxième plus lourde peine dans l'échelle des peines françaises.
«Je demande pardon aux familles d'Anthony et David. Je regrette ce que j'ai fait. Je ferai ce qu'il faut pour assumer mes responsabilités. Je paierai pour ce que j'ai fait. »
Il avait plaidé « coupable » au premier jour de son procès, après trois années de déni… Des aveux « d'opportunité » selon Jocelyn Poul, l'avocat général, qui n'y a pas cru… mettant en exergue un « cynisme forcené » au-delà de l'indécence.
Cynisme et mensonge
« Il a plaidé coupable après trois années de déclarations aussi fantaisistes que virevoltantes qui ont conduit les enquêteurs sur de multiples pistes et les familles à se demander si elles sauraient un jour. Il a déclaré avoir avoué par « respect pour les victimes »… Mais avant d'en arriver à ses aveux, il a superbement ignoré les conséquences de son déni à un moment où les familles avaient besoin de mettre des mots sur ce double meurtre. » Jocelyn Poul, à l'image des avocats des parties civiles, l'a martelé aux jurés. « Durant trois ans, Yohann Buchart a clamé avec l'énergie folle qu'il était innocent, qu'il était victime d'une erreur judiciaire. Il a manipulé les enquêteurs… »
Sur ce point l'avocat général a tenu à rappeler les propos de Yohann Buchart le jour de la reconstitution des faits, lorsque le juge d'instruction lui a demandé ce que ça lui faisait d'être là ? « Ça m'a fait mal. Pour moi le 24 décembre, c'est fini. J'ai perdu deux potes… Je ne demande qu'une chose, c'est qu'on retrouve le 3e homme. »
"Un pardon sincère"
Pendant trois ans, Yohann Buchart a en effet nié les faits, rejetant la faute sur un tueur fantomatique… Un « mensonge » qui, pour l'avocat général, « a eu pour effet d'afficher un véritable mépris pour les gendarmes, mais également un certain cynisme à l'égard des victimes qui ont dû attendre, elles, de leur côté, qu'il veuille bien assumer ses actes. Buchart a-t-il changé de positionnement devant vous parce qu'enfin il aurait été touché par la raison ? J'ai bien peur que la responsabilité de l'aveu ne soit avant tout la crainte de la sanction. N'oublions pas l'enjeu : la réclusion criminelle à perpétuité… Yohann Buchart est quelqu'un de dangereux. Il a montré sa capacité de tuer coup sur coup deux personnes, dont l'une n'avait pour seule faute que de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment ».
C'est au regard de ce cynisme que Jocelyn Poul avait requis 30 ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté de 20 ans, un suivi sociojudiciaire de 10 ans et une peine complémentaire de 5 années s'il ne respectait pas ce suivi.
Un « cynisme » vivement démenti par Me Olivier Carteret, le conseil de Yohann Buchart. « Le ministère public estime n'être point convaincu par ses « aveux d'opportunités ». Il assure qu'une fois de plus il joue la comédie, qu'il a fait ceci afin que son sort soit le meilleur du monde. C'est un raccourci… »
Et le conseil de poser la question. « Mais mon dieu que fallait-il faire ? Fallait-il qu'il continue de nier ? Fallait-il qu'il vous envoie sur d'autres pistes ? Fallait-il qu'il vous joue la comédie ? Fallait-il qu'il fasse encore et encore souffrir les parties civiles ? Lorsqu'il veut endosser sa responsabilité, oui il l'endosse cette responsabilité. Lorsqu'il a dit coupable à l'aube de ce procès pénal on ne va même pas le croire et on va dire qu'il raconte n'importe quoi. Ce n'est pas ça ! Il a nié, il était dans le déni parce qu'on ne peut admettre qu'on a tué deux amis… Ça faisait trois ans qu'il avait ce lourd secret en lui… Il est arrivé à la barre en plaidant coupable. Je n'ai pas monté un scénario. C'est venu de lui. Quant au reste, je ne lui ai pas dit avouez à moitié, vous serez à moitié pardonné… Il l'a fait surtout pour les parents d'Anthony parce qu'il les connaît. Nous sommes dans le vif du sujet et pas dans le déni. Il a plaidé coupable pour que les familles terminent un deuil interminable. Ce n'est pas d'opportunité qu'il a avoué. Il aurait pu nier… qu'aurait-il encouru de plus ? »
La plaidoirie de l'avocat ne convainc pas
Point de jeu pour Me Carteret, mais « une amnésie due à un choc émotionnel. Il doit la vérité aux parents de ses victimes. Il ne peut la dire en entier, non pas par mensonge, non pas par comédie. Ce qu'il fait, c'est en toute sincérité. Aujourd'hui, c'est l'heure des comptes. C'est l'heure de demander un pardon qui lui sera vraisemblablement refusé. Ce pardon est véritablement sincère. Il a commis quelque chose d'irréparable. Il demande pardon et il paiera… Il a un trou noir. Il n'a plus souvenance, ce qui l'empêche de resituer les faits. Il n'a rien à gagner à cacher ce qui s'est passé. Il avoue les faits. Il ne se souvient plus dans quelles conditions… Il a des flashs. On n'est pas là pour élaborer un scénario. Il y a eu une empoignade entre deux jeunes consommateurs de cannabis qui a très mal tourné. Qui a frappé le premier ? Je ne sais pas. Personne ne peut le dire. Il y a eu ce coup de bouteille. Ce déchaînement de violence… Malheureusement cette folie meurtrière, qui n'altère pas sa responsabilité, l'a conduit à commettre l'irréparable. Mais dans ce temps de folie criminelle, pensez-vous qu'il s'est dit qu'il allait tuer un témoin ? Je n'en suis pas convaincu. Il n'a pas pu s'arrêter… Ce n'est pas un psychopathe, ni un violent. Ce n'est pas un tueur froid. Ce n'est pas un criminel dangereux ».
La cour n'a pas suivi. Après trois heures de délibéré, elle a reconnu Yohann Buchart coupable du meurtre de David Fernandez, lardé de 7 coups de couteau et achevé de 2 balles le 24 décembre 2009. Coupable du meurtre d'Anthony Ternisien, exécuté d'une balle dans la tête… avec cette circonstance aggravante « qu'il voulait l'empêcher de dénoncer les faits ». En répression, Yohann Buchart a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle sans période de sûreté, une peine assortie d'un suivi socio-judiciaire de 10 ans et d'une peine complémentaire de 6 années en cas de non-respect de ses obligations, notamment de soins.
http://www.lunion.presse.fr/article/marne/trente-ans-pour-son-coup-de-folie-meurtriere
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire