Le centre hospitalier de Saintes est mis en cause par un rapport d'expertise sur la mort d'un nouveau-né, survenue le 3 août 2009. Ce jour-là, Frédérique Martin, une femme de 34 ans, avocate au barreau de Saintes et domiciliée à Fléac-sur-Seugne, vient d'accoucher d'une petite Marina-Victoria après terme et par césarienne. L'opération s'est bien déroulée. « On m'a alors placée en salle de réveil, dans un box isolé et fermé, se rappelle-t-elle précisément. Une sage-femme est entrée avec ma fille pour une tétée de premier accueil. Je lui ai dit non. Je ne m'en sentais pas capable. Elle a insisté et a posé le bébé sur mon sein, en position ventrale, avant de repartir. »
Après quelques minutes, son mari, présent dans la pièce, doit sortir pour un besoin pressant. « Il a prévenu des personnes présentes dans la salle de réveil. L'une d'elles l'a même accompagné jusqu'à la sortie », précise Frédérique Martin qui, trois ans après, a toujours autant de mal, les larmes aux yeux, à raconter le déroulement des faits. Épuisée, seule dans le box, elle s'endort avec sa fille contre son sein. Elle est réveillée par les hurlements d'une surveillante. Son enfant ne respire plus.
Et pour cause. Sa seule narine droite est dégagée. « Vraisemblablement victime d'un arrêt respiratoire (apnée) primitif entraînant un arrêt cardiaque terminal », comme l'indique le rapport d'expertise, Marina-Victoria ne sera pas sauvée malgré l'intervention rapide des pédiatres et un transfert vers le centre hospitalier de Bordeaux. Son décès est constaté le lendemain.
« Ça faisait plus de trois ans qu'on essayait d'avoir un bébé, confie Frédérique Martin. Cette histoire nous a démolis. Notre couple a failli voler en éclats. Depuis, on essaie d'avoir un autre enfant, mais nous n'y arrivons pas. Il existe certainement un blocage. On envisage maintenant une procréation médicale assistée. » Et, surtout, ils ont été rongés par la culpabilité. « Aujourd'hui, nous savons enfin que nous n'avons rien à nous reprocher. Nous allons pouvoir faire notre deuil. »
Un manque de surveillance
Le couple a déposé plainte, le 8 août 2009, et une enquête a été ouverte pour homicide involontaire par imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité. Un juge d'instruction de Niort a été saisi de l'affaire. « On attendait un rapport d'expertise depuis un an. Lorsqu'il est arrivé, il y a quelques jours, j'ai éclaté en sanglots. Je ne m'y attendais pas », avoue la plaignante qui, après l'autopsie de son enfant, était tombée de haut.
« Il y avait trois hypothèses pour le décès : la mort subite du nourrisson, la transmission d'une infection materno-foetal prénatale et l'étouffement. Pour nous, cette dernière était la plus crédible », reprend Frédérique Martin. C'est également ce qu'a souligné l'expert près la cour d'appel de Paris et agréé par la Cour de cassation, le docteur Jean-Claude Mselati.
Du coup, c'est le manque de surveillance qui est reproché à l'hôpital et au personnel présent ce jour-là dans la salle de réveil. La question essentielle étant « celle des modalités de surveillance d'un nouveau-né au décours de la première mise au sein chez une mère césarisée et installée en salle de réveil ».
Un procès en correctionnel ?
Dans son rapport, l'expert constate que « l'absence de sonnette d'alarme dans la pièce est sans conséquence en raison de l'endormissement de la mère ». Tout comme « un système vidéo n'aurait pas été très performant pour dépister un malaise grave chez l'enfant, compte tenu de sa position sur sa mère ». Et de faire remarquer que « la seule mesure préventive efficace aurait été la présence permanente d'un agent dans le box ou la mise en place d'un moniteur cutané de saturation en oxygène et de rythme cardiaque ».
« Dans ces conditions, termine le docteur Mselati, l'imprudence caractérisée par la non-surveillance du nouveau-né, de 12 h 30 à 12 h 45, le 3 août 2009, doit être considérée plus comme une faute dans l'organisation et la coordination des soins imputable au centre hospitalier de Saintes que comme une carence individuelle de la sage-femme. » Le personnel de la salle de réveil disponible « étant seul à savoir que le père avait quitté le box… »
Du côté de la plaignante, on considère que, lorsque la sage-femme est sortie du box, elle aurait dû demander à un agent hospitalier de prendre la relève pour une surveillance médicale. La présence du seul père, qui n'a pas les compétences nécessaires pour identifier un problème, ne pouvait suffire. Frédérique Martin espère maintenant que, sur la base de ce rapport d'expertise, un procès pourra avoir lieu.
http://www.sudouest.fr/2012/05/23/l-hopital-est-mis-en-cause-722456-1531.php
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