Qui a vu les 300 défibrillateurs que la Ville de Marseille promettait en grande pompe d'installer sur la voie publique pour 2012 ? Ces appareils d'utilisation simple, en mesure d'analyser l'activité cardiaque d'une personne en arrêt cardio-respiratoire et de délivrer, dans l'attente des secours, un choc électrique capable de faire repartir le coeur, sont aujourd'hui présents dans une centaine de lieux publics et de nombreuses entreprises à Marseille. Mais totalement absents de nos rues.
Pourtant, n'importe quel passant devrait être en mesure de réaliser ce geste qui augmenterait les chances de survie de la victime de 20 % : à Marseille, ce sont 200 vies que l'on pourrait ainsi épargner chaque année. La Ville l'avait bien mesuré, en investissant 300 000 € dans une politique de prévention (formation et implantation des défibrillateurs) saluée en 2010 par l'Organisation mondiale de la santé. Mais alors, où sont les fameuses machines ? Ont-elles toutes été volées ?
"C'est catastrophique", dénonce à la Croix-Rouge Coralie Bonans, directrice adjointe du service d'urgence et de secourisme qui se souvient qu'"une semaine après l'installation des premières armoires à Marseille, nous constations déjà sur le terrain qu'elles étaient toutes vides".
Renseignements pris, la réalité s'avère... édifiante. Mais si les armoires installées sur la voirie sont vides, ce n'est pas parce qu'elles ont été pillées. C'est juste qu'elles n'ont... jamais été équipées ! "Nous avons été floués par l'entreprise qui devait nous fournir les défibrillateurs, accuse l'adjointe UMP à la santé, Françoise Gaunet,"profondément déçue". La Ville avait investi 40 000€ pour préparer le terrain (travaux sur le réseau, percement des tranchées nécessaires, etc.). Mais "seul le défibrillateur de la mairie a finalement été fourni" (puis retiré, NDLR) par la société Cardio Assistance, aujourd'hui mise en liquidation judiciaire et injoignable, tant par nous que par la Ville."Nous n'avons aucune nouvelle d'eux", assure Mme Gaunet.
Cardio assistance devait se payer sur la publicité affichée sur ses armoires, et les défibrillateurs ne pas coûter un sou de plus à la Ville. Las ! La voilà contrainte d'enlever, pour l'heure à ses frais, les armoires inutiles... et de se retourner contre la société défaillante. "Nous ne lâchons pas notre projet, mais je ne peux pas vous dire quand nous aurons des défibrillateurs dans les rues de Marseille, c'est vrai", admet désolée Françoise Gaunet. Grâce au soutien financier (200 000 €) de la CNP, et en partenariat avec l'Éducation nationale, Marseille compte toutefois poursuivre la formation de "cent instituteurs de CM2 par an" aux premiers secours, dont l'utilisation des défibrillateurs. À eux ensuite de former leurs élèves...
Quant à la Croix-Rouge, elle dispense, chaque week-end pour le grand public, ses sessions de formation (62€), mais a dû cesser, faute de subvention municipale, ses interventions dans les écoles publiques. "Pendant deux ans, pourtant, la municipalité nous avait soutenus pour former tous les enfants de CM2, mais c'est fini,regrette Coralie Bonans.Nous l'avons fait pour 10 000 élèves. À 10 ans, on est capable de prodiguer les premiers secours."
La formation du grand public est en effet vitale :ainsi, alors qu'aux États-Unis, une victime d'arrêt cardiaque a 40 % de chance de survie, en France, ce taux chute dramatiquement à 3 %, faute de bons réflexes ou de gestes ad hoc de la population. 27 % seulement des Français sont formés au secourisme, contre 60 % dans un pays comme l'Allemagne."On y sensibilise les enfants dès la maternelle", admire la Croix-Rouge de Marseille. Et les défibrillateurs font là-bas partie du paysage.
http://www.laprovence.com/article/a-la-une/marseille-arnaque-aux-defibrillateurs-fantomes
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