jeudi 8 décembre 2011

Le brillant chirurgien aux mains baladeuses

Le tribunal correctionnel s'est donné jusqu'au 9 janvier pour décider de la sanction qu'il réservait au Dr Pierre Couchard, accusé d'agression sexuelle sur une jeune patiente considérée comme « vulnérable ».

LUI affirme que ce n'est qu'une menteuse et une petite « salope ». Elle, imperturbable, se contente de rappeler ce qu'elle a vécu dans le cabinet du Dr Couchard, en octobre 2007, alors qu'il était en poste à la clinique du Docteur L'Hoste, à Villers-Semeuse.
Mélanie, 18 ans à l'époque des faits, devait se faire opérer d'un kyste situé dans la région pubienne. L'intervention se déroula sans aucun problème. Ce n'est que lors des quatre visites post-opératoires que tout allait déraper.
La jeune fille, qui souffre d'un léger handicap mental, qualifié dans le jargon des psychiatres de « débilité légère », n'avait rien osé dire dans un premier temps. Puis, elle a fini par se confier à sa mère.
Au fil des visites, le docteur, dont l'étrange regard l'avait toujours quelque peu inquiétée, s'était montré de plus en plus « prévenant » à son égard. D'abord une bise sur la joue dès le deuxième rendez-vous.
Puis, des palpations qui, a priori, n'avaient rien de très professionnel, les mains du médecin s'étant attardées sur son sexe, puis ses seins. Plus surprenant encore, le médecin lui avait proposé de la prendre en photo pour ensuite la peindre, la peinture étant l'un de ses passe-temps. Enfin, il n'avait pas hésité à lui donner son numéro de téléphone personnel.
A la barre le Dr Pierre Couchard, 60 ans, bout de colère. Il a un mal fou à se contenir lorsque la présidente évoque les faits qui lui sont reprochés. Il faudra d'ailleurs à un moment que son avocat, Me Yahaiaoui, intervienne physiquement afin de le calmer.
Une suspension d'audience permettra de retrouver un tant soit peu de sérénité dans le déroulement des débats. On n'était tout de même pas passé loin de l'incident.

Antécédents
Lorsque le docteur avait été convoqué au commissariat à la suite des révélations de la jeune fille, il n'avait pas hésité à déclarer : « Ce sont des mensonges. C'est une honte ! C'est une salope ».
Manifestement, le sexagénaire pensait toujours la même chose à la barre du tribunal.
Les caresses sur le sexe et les seins ? « J'ai tout simplement examiné le périnée pour vérifier s'il n'y avait pas d'autres kystes. Et puis, elle m'a dit qu'elle avait mal à la gorge, alors je l'ai auscultée. Voilà tout », a-t-il expliqué, agacé.
La bise dès le deuxième rendez-vous ? « Oui, c'est vrai je lui ai fait une bise sur la joue. Elle avait l'air malheureuse. C'était pour la rassurer ».
Il se fait même provocateur : « Vous avez trouvé une loi qui interdisait de faire une bise sur la joue d'une jeune fille ? ». La proposition de la photographier, il reconnaît aussi, de même que le numéro de téléphone perso. Mais, là encore le Dr Couchard n'y voit rien de mal.
La présidente, qui avait décidé de mener une instruction des plus fouillées, allait cependant mettre à mal le praticien en évoquant ses antécédents professionnels. Par deux fois déjà, il s'était laissé aller à des auscultations pour le moins douteuses.
En 1997 à Coulommiers, une patiente avait eu droit à des caresses qui n'avaient rien de vraiment médical, puis en 98, à Rambouillet, une jeune femme l'avait repoussé avant de se mettre à hurler après s'être fait peloter les seins.
Mais le Dr Couchard avait des explications à tout ça : « Pour la première affaire, c'était un complot. Le chef de service voulait me virer. Pour la seconde, je n'en ai aucun souvenir… Vous savez, dans ma carrière, j'ai dû avoir affaire à 80 000 patients, et là, vous m'en trouvez deux qui ont eu la vague impression que j'avais mal fait mon travail. Ça fait peu ».
Revenant à l'affaire du jour, la présidente lui demanda si tout simplement il ne s'était pas senti séduit par la jeune Mélanie ?
Réponse du chirurgien : « C'est vrai qu'elle était chaude et provocatrice. J'ai d'ailleurs senti à un moment qu'elle me tutoyait mentalement ». La présidente fait des yeux ronds : « M. Couchard, je vous rappelle que vous n'étiez pas en discothèque, mais dans un cabinet médical ».
Ce Dr Couchard qui dit avoir quitté la région parisienne « parce qu'il y avait là-bas 60 % d'immigrés… des Africains et des barbus ». Son avocat, Me Azzedine Yahiaoui, a dû apprécier…

« Quelqu'un de dangereux »
L'expertise psychiatrique du prévenu n'allait pas vraiment plaider en sa faveur : « Organisation psychotique de la personnalité pouvant présenter un état dangereux pour lui-même et pour les autres, état psychique en suractivité, déni de son excitation sexuelle, mais homme très intelligent et manipulateur ». Voilà pour le premier rapport.
Le second ne sera guère plus rassurant : « Il est coincé entre l'assurance et le manque de doute, il est instable, capricieux, intolérant aux frustrations ».
En résumé, Pierre Couchard a une très très haute estime de lui-même.
N'a-t-il pas déclaré : « Je suis venu dans les Ardennes pour aider les gens d'ici. Je suis tombé sur une clinique minable avec un directeur complètement taré ».
Et d'ajouter, magnanime : « Même les gens qui me paraissent infects, je les opère quand même… ».
La présidente lui fera remarquer que, elle aussi, les gens infects, elle les jugeait sans état d'âme.
Me Ciak, qui défendait les intérêts de Mélanie, a demandé 6 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral, avant de laisser la procureure formuler ses réquisitions.
Pour le ministère public, le dossier comportait largement assez d'éléments pour établir la culpabilité du médecin : « Je pense que nous avons affaire à quelqu'un de dangereux. Je réclamerai donc deux ans de prison dont un avec sursis, trois ans de suivi judiciaire avec injonction de soins ; l'interdiction pendant trois ans d'exercer une profession médicale, une amende de 15 000 euros et l'inscription de cette personne au fichier des délinquants sexuels ».
Difficile pour Me Yahiaoui de tirer son client d'affaire tant ce dernier lui avait savonné la planche par son comportement devant le tribunal.
Il tenta néanmoins de faire valoir quelques incohérences dans les déclarations de la jeune fille qui avait dans un premier temps parlé de « doigt dans le vagin », mais qui n'en avait plus reparlé devant le juge d'instruction.
Au nom du petit pourcentage de doute qui existait dans ce dossier, l'avocat a tout bonnement réclamé la relaxe de son client.
Le tribunal s'est donné jusqu'au 9 janvier pour rendre son jugement.
http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/le-brillant-chirurgien-aux-mains-baladeuses

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